Le Tribunal administratif du logement (TAL) vient de dévoiler des taux d’ajustement sur lesquels les propriétaires se baseront pour établir leurs hausses de loyer. Ces taux sont historiquement hauts et peuvent atteindre 8% selon le type de chauffage et de bail.
Métro fait le point sur les droits des locataires face à ces hausses de loyers et aux évictions avec le porte-parole du Regroupement des comités logement et associations de locataires du Québec, Cédric Dussault.
Métro: Quand un locataire reçoit une hausse de loyer, que doit-il faire pour la contester s’il la trouve abusive?
Cédric Dussault: Le locataire n’a pas nécessairement à contester la hausse, il peut simplement la refuser. À partir du moment où il ne l’accepte pas, c’est au propriétaire – s’il ne s’entend pas avec le locataire – de faire des démarches auprès du Tribunal administratif du logement (TAL) pour justifier sa hausse de loyer. Après l’avis d’augmentation de loyer, on a 30 jours pour répondre. Si on ne répond pas, la hausse est considérée comme acceptée. Peu de locataires savent qu’ils n’ont pas juste le choix entre accepter une hausse ou quitter leur logement. On voit pourtant de plus en plus d’avis d’augmentation avec seulement ces deux options, ce que le propriétaire n’a pas le droit de faire.
Métro: Sur quels critères peut-on refuser une hausse?
C. D.: Comme regroupement, on invite les locataires à bien calculer la hausse avec les indices d’augmentation, mais ce sont des indices moyens. Une hausse peut être calculée en fonction de plusieurs facteurs. Dans tous les cas, en tant que locataire, si tu penses avoir affaire à une hausse abusive, tu peux la refuser. Et si on n’arrive pas à s’entendre avec le propriétaire à travers des négociations, dans ce cas, c’est à lui d’aller justifier sa hausse auprès du TAL.
Les locataires ont donc intérêt à refuser les hausses qu’ils jugent trop importantes, car la fixation de loyer du TAL va être en dessous de la hausse proposée par le locataire si on trouve qu’elle est abusive. Depuis quelques années, les hausses qui sont envoyées aux locataires peuvent être extrêmement élevées. On dépasse les 10%, les 20%, et dans certains cas, on atteint même les 50%.
Métro: Et ensuite, quelles sont les démarches?
C.D.: Si le propriétaire ne fait pas de démarches auprès du TAL après un refus de hausse de loyer, le bail va se renouveler avec le même loyer, sans augmentation. Sinon, le propriétaire va faire une démarche de fixation de loyer. La cause va être entendue et le loyer va être fixé en fonction des mêmes critères qu’utilise le TAL pour établir ses taux d’augmentation recommandés. En 2022, les jugements du TAL ont accordé une hausse moyenne de loyer de 4%.
Métro: Pourquoi tant de hausses abusives de loyer?
C. D.: Contrairement à l’Ontario, qui établit un plafond sur l’augmentation des loyers, actuellement à 2,5%, au Québec, le propriétaire peut proposer la hausse qu’il souhaite. Il n’y a pas de limites. Le locataire peut la refuser, mais s’il l’accepte, c’est légal. D’ailleurs, les associations de propriétaires recommandent à leurs membres de hausser les loyers en fonction de ce qu’ils jugent raisonnable et à dépasser les indices du TAL. Les propriétaires vont invoquer l’inflation, la hausse des taxes. Les taxes, ça ne représente qu’une hausse de quelques dollars par mois.
Métro: Au-delà des hausses de loyer, il y a les évictions. Quelles sont les situations légales d’évictions?
C. D.: Pour évincer légalement des locataires, il y a la reprise de logement et l’éviction pour changements apportés au logement. Un propriétaire peut reprendre un logement quand il souhaite y vivre lui-même ou que quelqu’un sous son soutien financier y vive. Ça ne peut pas être une tante. L’éviction, c’est quand le propriétaire veut subdiviser, agrandir ou changer l’affectation du logement – le transformer en local commercial.
Mais de plus en plus, il y a des rénovictions. C’est des cas où le propriétaire va faire des travaux majeurs et évincer le locataire ou lui demander de payer un loyer beaucoup plus important après les rénovations. Ça, c’est carrément illégal. Mais quand les propriétaires vont le faire, ils vont souvent prétexter les raisons légales. On a une enquête du Comité de logement de la Petite-Patrie entre 2015 et 2020. Sur les 300 cas qui leur ont été rapportés d’éviction pour reprise de logement ou changements effectués au logement, 80% étaient frauduleux.
Métro: Que faire en cas d’une éviction sur laquelle on a des doutes?
C. D.: Beaucoup de locataires ignorent qu’on peut s’opposer à l’éviction. Après l’avis d’éviction, on a 30 jours pour le faire. Dans ce cas-là, on va se retrouver au TAL. Dans certains cas, ça fonctionne, car le propriétaire doit prouver qu’il a vraiment l’intention de réaliser le projet. Sauf que dans certains cas, les locataires perdent leurs causes et en fin de compte, le projet n’est pas réalisé et le propriétaire en profite pour simplement augmenter le loyer pour le locataire suivant.