Sur la place du 6-décembre-1989 s’est tenue aujourd’hui la commémoration des 14 femmes victimes de l’attentat antiféministe de la Polytechnique en 1989. La cérémonie, organisée par le comité 12 jours de la Fédération des femmes du Québec (FFQ), marquait aussi la fin des 12 jours d’action contre la violence faite aux femmes.
Des monuments commémoratifs, où des fleurs et bougies ont été déposées par quelques-unes de la soixantaine de personnes présentes malgré la pluie, rappelaient la douleur toujours vive des proches qui ont perdu un être cher.
Parmi la foule, on ne pouvait pas manquer les nombreuses affiches en soutien aux féministes d’Iran qui luttent actuellement pour leur survie, face à un gouvernement qui réprime violemment les manifestations. Ces affiches, tenues par des participantes à la cérémonie, rappelaient que la misogynie qui a engendré l’horreur des attentats de 1989 demeure, encore aujourd’hui, l’un des fardeaux de la réalité féminine.
Appeler un chat un chat
Alors que l’on parlait auparavant de l’attentat de la Polytechnique comme le fait d’un «tireur fou», l’évolution de la langue permet aujourd’hui de décrire la tuerie comme un féminicide. Le mot, apparu en 2015 dans Le Petit Robert et utilisé par plusieurs invitées qui ont pris le micro lors de la cérémonie de commémoration, rend possible la caractérisation des motifs réels du tueur de la Polytechnique.
En parlant de féminicide plutôt que d’une tuerie commise par un fou, on insiste sur la responsabilité consciente du meurtrier tout en rendant possible la reconnaissance d’une problématique sociale: celle de la forte violence potentielle de l’antiféminisme et de la banalisation de la violence faite aux femmes.
Cette banalisation de la violence faite aux femmes est non seulement à la base des nombreux féminicides qui continuent d’être perpétrés encore aujourd’hui au Québec, mais aussi un trait culturel de notre société qui fait en sorte qu’en 2021, pas moins de 16 000 femmes ont été victimes de violence conjugale dans la province.
Convergence des luttes
La réalité partagée de la condition féminine traverse les frontières, les nations, mais aussi les causes. La commémoration des victimes reflétait cette réalité, alors que les femmes d’origines diverses qui ont parlé au micro ont écorché les différents systèmes d’oppression qui, malgré leurs différences, nuisent trop souvent davantage aux femmes.
«Des femmes et des filles disparaissent et les autorités n’ouvrent pas d’enquêtes parce qu’elles sont autochtones», a déclaré Viviane Michel, ancienne présidente de Femmes autochtones du Québec, pour insister sur le fait que les enjeux de racisme et de misogynie sont interreliés pour ces femmes autochtones qui sont doublement opprimées.
Cette double oppression a aussi été soulevée par Lili, du collectif transféministe TRAPs, lorsqu’elle a abordé la réalité des femmes trans qui sont victimes des violences misogynes et, aussi, d’une limitation en matière de possibilités d’épanouissement économique. «L’effet des violences genrées et sexuelles s’additionne pour garder les femmes trans et les personnes [issues de la diversité du genre] affectées par la misogynie cachée et prises dans des situations précaires exclues de la mobilité sociale.»
Malgré la perpétuation des violences faites aux femmes, 33 ans après l’incident ayant coûté la vie aux 14 victimes commémorées, c’est un regard surtout tourné vers les solutions qui animait les invitées et la FFQ, dont les informations sur les campagnes sont disponibles sur son site web.