La sixième édition du Festival de films féministes de Montréal (FFFM), qui se déroulera du 7 au 11 septembre dans le Plateau Mont-Royal et dans Villeray, sonnera le glas de l’événement. La pandémie, l’inflation et, surtout, le manque de subventions en culture l’auront contraint à tirer sa révérence.
Cette ultime mouture sera l’occasion de regarder, en salle et en ligne, des courts et longs métrages d’ici et d’ailleurs qui dépeignent, avec humour, mordant et émotion, les luttes féministes intersectionnelles, promet la directrice générale.
«On ne voulait pas des soirées thématiques trop lourdes qui donneraient envie de se flinguer à la fin de la soirée parce que ça va tellement mal», illustre en entrevue Magenta Baribeau, qui veille à entremêler œuvres plus légères et plus sombres.
«Notre but, c’était aussi de montrer qu’il y a de l’espoir, de bonnes choses, des avancées, du positif.»
Une épreuve n’attend pas l’autre
L’accumulation d’épreuves de tout acabit depuis le début de la pandémie aura eu raison du dévouement de Magenta Baribeau, aux prises avec un budget famélique.
«Le gros défi quand on n’a pas de budget est de faire rayonner le festival», nous confie celle qui l’a fondé en 2017. «Il faut s’en remettre aux réseaux sociaux. Même si 6 000 personnes nous suivent sur Facebook, depuis deux ans, c’est super difficile de les rejoindre.»
Le manque de bénévoles — indispensables à l’organisation, affirme Magenta Baribeau — aura aussi mis à mal le festival. «Avec les loyers qui sont rendus épouvantablement chers au Québec, où tout est plus cher, tout le monde doit travailler plus fort pour gagner sa vie et a moins de temps à mettre sur le festival.»
Ne comptant pas les heures consacrées au festival, celle qui gagne sa vie comme traductrice a multiplié les tâches, jusqu’à ce que la situation soit rendue «tout à fait insoutenable», laisse-t-elle tomber.
Elle observe d’ailleurs une «écœurantite aiguë» dans le milieu culturel: «les travailleur.euse.s qui étaient avec nous au fil des années ont tous fait un burnout. Des collègues en culture sont allé.e.s travailler dans le secteur financier. C’est parlant.»
D’autres festivals de cinéma voués au féminisme ont abdiqué face à l’adversité ces dernières années, fait aussi remarquer Magenta Baribeau, citant ceux de Londres, Berlin, Dublin et Ottawa.
«Je trouve ça tellement triste pour les cinéastes, car elles perdent de super belles vitrines pour leur travail.»
Jazz, FFFM, même bateau
Au-delà du manque de subventions, Magenta Baribeau montre du doigt les critères d’admission de celles-ci, qui sont, à son sens, inadaptés à la multiplicité des événements culturels.
En ce moment, le Festival de jazz et moi, on applique pour les mêmes bourses. Il faudrait qu’il y ait des programmes pour les plus petits festivals. Dans le milieu des subventions, il faut beaucoup se conformer. On finit par mettre tout le monde dans la même boîte, mais ce n’est pas ça, la culture. Il y a tellement de points de vue, de façons de faire.
Magenta Baribeau, directrice générale du Festival de films féministes de Montréal
Autre exemple, renchérit-elle: «Un subventionnaire demande à ce qu’on présente obligatoirement cinq longs métrages. Mais on ne peut pas en présenter cinq, car on n’a pas assez d’argent pour payer les salles.»
Pour la diversité de l’offre culturelle
En réaction au trépas du FFFM, Magenta Baribeau lance un appel à l’action, soit de «privilégier une offre culturelle diversifiée».
«Je voudrais que nos élus et la population se rendent compte que la culture est précieuse sous toutes ses facettes, expose-t-elle. Tellement de petits lieux super importants pour la culture ont fermé, comme Le Divan orange ou les Katacombes, pour des raisons financières, et ça se rend aux organismes.»
La culture à Montréal ne se résume indubitablement pas à ses yeux aux gros festivals.
Ce sont toutes les petites initiatives qui font le charme de Montréal. Les gens l’aiment parce qu’il y a plein d’activités culturelles underground, différentes, pas chères. Mais il y en a de moins en moins, et je trouve ça d’une tristesse infinie.
Magenta Baribeau, directrice générale du Festival de films féministes de Montréal
Films féministes le fun
Quelle marque le Festival de films féministes de Montréal aura-t-il laissée? «À l’échelle locale, on a fait découvrir des bijoux de films aux gens, du cinéma féministe le fun, mais on a aussi aidé des cinéastes à l’étranger et d’ici à faire leurs premières armes et à découvrir le monde accueillant du féminisme et du cinéma», estime Magenta Baribeau.
L’expérience de la cinéaste finlandaise Erika Säilynkangas au FFFM en 2019, qui présentait pour la première fois un film hors de son pays, en fait foi. «Elle avait été tellement touchée par notre accueil qu’elle nous disait qu’on avait changé sa vie», relate la directrice, qui croyait qu’elle exagérait.
Quelques mois plus tard, l’artiste travaillait comme productrice en Finlande, forte d’une confiance acquise au FFFM.
«Je vais garder ça dans mon cœur jusqu’à ce que je meure», dit avec émotion Magenta Baribeau.
Le Festival de films féministes de Montréal est mort; vive le féminisme! Ce n’est pas parce que le festival s’éteint qu’il ne célébrera pas une dernière fois, dans l’allégresse collective, le féminisme au cinéma.
7 au 10 septembre, Casa del Popolo, 4873, boulevard Saint-Laurent
11 septembre, Casa d’Italia, 505, rue Jean-Talon Est