Stéphanie* partage un petit 5 ½ de Montréal-Nord avec un ami et le père de l’enfant qui grandit dans son ventre. Affamée, l’adolescente a frappé à la porte du Carrefour jeunesse-emploi pour qu’on l’aide à trouver du travail.
Malgré la présence de nombreux organismes d’aide alimentaire et d’hébergement dans le quartier, ces jeunes font souvent appel au CJE.
«Nous voyons des histoires d’horreur d’adolescents qui se font mettre dehors. Lorsqu’ils veulent sortir de la misère, ils pensent d’abord à se trouver un emploi, alors ils viennent nous voir. Ils tissent des liens de confiance avec nos intervenants», explique Mme Klaoua.
La fugue
C’est d’ailleurs ce parcours qu’a suivi Stéphanie. Depuis son adolescence, la jeune femme supporte mal l’autorité de sa belle-mère.
«Elle est trop contrôlante alors, je me suis tannée. Elle me forçait à me coucher à 20h, je devais prendre une douche en cinq minutes et je devais rentrer immédiatement à la maison après l’école. Je ne pouvais pas voir mes amis, je n’avais pas Internet et pas de téléphone», explique-t-elle.
À l’âge de 16 ans, Stéphanie rêvait déjà de quitter le domicile familial.
«Je trouvais ça encore trop jeune. Je n’avais pas d’emploi et je ne voulais pas “mal partir”. Quand j’ai eu 17 ans, nous avons eu une grosse chicane alors je me suis écœurée. J’ai pris mes choses et j’ai « décalissé ».»
Un matin, avant de partir pour l’école, elle a rassemblé ses effets personnels pour ne plus rentrer le soir. Inquiets, ses parents ont contacté la police.
«Je suis partie contre leur gré. Les policiers sont venus me voir, alors je leur aie dit que je ne voulais pas y retourner», explique l’adolescente. Légalement, une personne peut voler de ses propres ailes dès l’âge de 16 ans.
Stéphanie a alors emménagé avec son copain et un ami, tous deux âgés de 18 ans. S’il peine à subvenir à ses besoins, le trio cohabite bien.
Peu de temps après sa fugue, Stéphanie a appris qu’elle était enceinte.
«Mon chum est content et moi aussi, mais je me remets un peu en question. Je me demande comment on va faire pour l’argent», s’inquiète-t-elle.
Intervention du CJE
Avec tous ces bouleversements dans sa vie, Stéphanie a dû abandonner l’école pour l’instant. Elle espère toutefois y retourner dès l’année prochaine dans l’espoir d’obtenir un diplôme d’études secondaire.
Partie sur un coup de tête, la jeune femme n’avait pas de plan de carrière. Heureusement, elle a fait appel au CJE.
«Quand je suis allée les voir, j’ai compris qu’eux pouvaient vraiment m’aider. Ils m’ont aidée à obtenir ma carte d’assurance sociale que mon père refusait de me donner. Ils m’ont aidée à faire un CV et m’ont fourni des billets d’autobus pour aller aux entrevues parce que je n’avais pas d’argent. Une semaine plus tard, j’ai trouvé un emploi, ce qui n’aurait pas été possible sans eux.»
Le CJE a aussi aidé Stéphanie à trouver les ressources disponibles pour l’aider. Les intervenants l’ont notamment inscrite sur une liste de dons alimentaires.
«Si je ne les avais pas connus, j’aurais été vraiment dans la « marde »», conclut Stéphanie.
*Le nom de Stéphanie a été changé pour préserver son anonymat.