«Pendant longtemps, on allait jusqu’à Laval pour une balançoire. C’était le seul parc où il y avait un aménagement adapté à une personne handicapée», se souvient Marie-Claude Sénécal, qui peut aujourd’hui profiter avec sa fille d’un parc 100% inclusif à quelques pas de chez elle.
La résidente de Rivière-des-Prairies est la maman de Joanie Prévost, 21 ans, qui est atteinte de paralysie cérébrale. Aujourd’hui, les deux femmes sont comblées. Surtout Joanie, qui peut enfin profiter d’un parc accessible à tous.
Au parc Saint-Joseph, une aire de jeu inclusive avant-gardiste a en effet vu le jour en 2021. Un lieu dont peuvent profiter tous les enfants et adultes, vivant ou non avec un handicap.
«C’est un parc où tout le monde est ensemble. Ce n’est pas un parc avec simplement un petit espace réservé pour les personnes handicapées», explique Mme Sénécal.
«Peu importe que vous ayez une limitation de tout type ou non, vous pouvez profiter des installations», indique à cet égard Caroline Bourgeois, mairesse de l’arrondissement de Rivière-des-Prairies–Pointe-aux-Trembles.
En effet, il n’y a aucune marche ou obstacle sur le sol du parc: les fauteuils roulants y sont les bienvenus. Son revêtement vivement coloré permet par ailleurs aux personnes malvoyantes d’en profiter pleinement.
Le parc comprend des aménagements particuliers, des balançoires variées, des tourniquets adaptés aux fauteuils ou encore des bacs à sable surélevés, que l’on peut venir utiliser, peu importe sa mobilité. De même, les aménagements d’eau sont utilisables par tous.
Aussi, il comprend une salle d’hygiène autoportante, adaptée aux personnes en situation de handicap. Une première pour un parc au Québec.
Intégrer tout le monde
Marie-Claude Sénécal est maman de deux enfants. «J’avais une grande fille, la grande sœur de Joanie, qui voulait aller jouer au parc. […] Joanie pleurait parce qu’elle ne pouvait pas faire les jeux avec les autres enfants», relate-t-elle.
«Pourquoi est-ce qu’on ne ferait pas un parc pour les enfants qui ont un handicap et toute la fratrie?, s’est-elle alors demandé. Tout le monde peut jouer ensemble, tout le monde est heureux et les parents sont soulagés», sourit-elle.
Un tel parc permet aussi de ne plus isoler les personnes vivant avec une limitation fonctionnelle. Quand Joanie et sa maman sont au parc, «les enfants posent des questions: “elle marche pas?”, “elle ne parle pas?”, “pourquoi elle rit?”. Ça fait en sorte qu’on fait des futurs citoyens qui seront responsables et capables de s’occuper des personnes qui sont handicapées. Ils pourront rendre la société encore plus inclusive», imagine-t-elle.
Une fois l’idée déposée sur la table de l’arrondissement, le développement du projet a été «au-delà de ses espérances».
Pour réaliser cet aménagement innovant et universellement accessible, l’équipe de Caroline Bourgeois a fait appel à L’Étoile de Pacho, un organisme à but non lucratif regroupant des parents d’enfants en situation de handicap, principal consultant dans ce projet.
Le défi? «Prendre le pouls de toutes les familles», explique Mme Sénécal, et prendre en compte les différentes réalités vécues.
La Ville de Montréal et l’arrondissement ont conjointement financé ce projet évalué à environ 2 M$.
«C’est un investissement plus important que les aménagements qu’on remarque habituellement, mais ça en vaut la peine», estime la mairesse.
Vers une normalisation de ces aménagements?
L’aire de jeu inclusive du parc Saint-Joseph est finaliste au 34e prix ESTim de la Chambre de commerce de l’Est de Montréal.
«Il faut absolument que ce prix soit remis au parc», souligne Marie-Claude Sénécal. La maman de Joanie espère que cette reconnaissance incitera d’autres municipalités à développer des projets similaires.
«Ç’a un impact dans le quotidien des familles, de juste venir jouer au parc. Je suis le seul camp de jour l’été, et enfin, j’ai des outils», explique-t-elle.
Ce serait aussi une vraie reconnaissance pour l’équipe de Mme Bourgeois si cet aménagement devenait «un modèle». D’ailleurs, le parc Saint-Joseph a suscité l’intérêt de plusieurs arrondissements montréalais et d’autres municipalités.
«J’ai des collègues élus et des experts à l’urbanisme de l’arrondissement qui se font interpeller par leurs homologues d’autres arrondissements ou même d’autres municipalités pour obtenir des informations sur la démarche qui nous a menés vers la création de ce parc», raconte la mairesse.
Alors, va-t-on vers une normalisation de ces aires inclusives? «C’est ce que l’on souhaite», répond Mme Bourgeois.
Le dévoilement des lauréats du prix ESTim aura enfin lieu le 5 mai. Le parc Saint-Joseph fait aussi partie des 26 finalistes du mérite Ovation municipale de l’Union des municipalités du Québec. Les projets récompensés seront dévoilés le 13 mai au Centre des congrès de Québec.