Le matin du 21 septembre, une quinzaine de représentants d’OSBL d’habitations et autres acteurs du milieu ont convergé vers un terrain vague situé au 2670, avenue du Mont-Royal Est, dans le quartier du Technopôle Angus. C’est à cette adresse qu’un important projet de développement de logements sociaux et communautaires, signé Les Habitations communautaires Loggia, devait s’ériger. Or, voilà plus de trois ans que l’OSBL d’habitation vit dans l’attente d’un financement promis par le gouvernement provincial.
«Habituellement, quand on rassemble les citoyens, les collaborateurs, les partenaires, les médias et les partis politiques sur un terrain vague, c’est pour souligner la première pelletée de terre d’un projet à construire. Malheureusement, ce n’est pas le cas aujourd’hui», a déclaré en conférence de presse la directrice des Habitations communautaires Loggia, Catherine Boucher.
C’est avec les deux pieds enfoncés dans la terre que Mme Boucher a expliqué que le choix du lieu pour tenir cette allocution n’était pas anodin. Cet espace béant illustre bien, selon elle, «le manque de soutien et d’engagement financier de la part du gouvernement provincial envers le développement de logements sociaux et communautaires».
Le projet utilisé à titre d’exemple prévoit la construction de 78 logements à l’abri de la spéculation, dont 68 appartements réservés à des familles qui résident dans l’arrondissement de Rosemont–La Petite-Patrie. Les 10 unités restantes seront dédiées à des adultes autonomes ayant une déficience intellectuelle ou un trouble du spectre de l’autisme et qui aspirent à vivre en appartement dans un milieu sécuritaire.
«Le projet n’attend plus qu’à sortir de terre»
«Présentement, tout le processus réglementaire est complété, les plans sont complétés, on a le terrain, avait expliqué Mme Boucher la veille, lors d’une entrevue téléphonique avec Métro. Tout est prêt pour qu’on remplisse ces logements. En théorie, on serait dans les étapes de développement. On serait censé être en appel d’offres, mais l’argent de Québec ne descend pas. L’argent qui est investi par le gouvernement ne suffit pas à répondre aux besoins des citoyens qui vont y demeurer et aux projets qui sont en cours de réalisation.»
La directrice générale craint aussi l’impact substantiel qu’aurait l’écoulement du temps sur la viabilité financière d’un tel projet immobilier.
«Dans les deux dernières années, les coûts de construction ont explosé et les coûts d’intérêts également. Plus le temps passe, plus ça empire. Il y a un an environ, selon les budgets prévisionnels, on avait un manque à gagner d’environ un million [de dollars] par rapport aux subventions qu’on recevait et aux coûts de construction. Aujourd’hui, pour le même projet, avec l’explosion des coûts de construction et des intérêts, on a un manque à gagner de cinq millions.»
Des «mesurettes» contre la crise du logement
«On est en pleine crise du logement et le gouvernement n’arrête pas de dire qu’il investit tout le temps. Comment ça se fait alors que des projets qui sont prêts ne se réalisent pas?», s’est quant à elle interrogé la directrice générale de la Fédération des OSBL d’habitation de Montréal (FOHM), Chantal Desjardins.
Tout comme Catherine Boucher, Chantal Desjardins croit que la réponse réside dans le manque de volonté politique générale de régler la crise du logement.
«Il y a en qui pense que [la crise du logement] peut se régler en donnant des allocations aux logements, d’autres en finançant le logement social et communautaire. C’est une panoplie de mesures qui vont permettre de régler la crise du logement. Oui, il y a une écoute, surtout en campagne [électorale], mais dans l’ensemble, on ne voit pas une vision large, une volonté. Ce sont des mesurettes tout le temps. À chaque élection, on nous lance des chiffres et des promesses. Quand les partis politiques arrivent au pouvoir, leurs promesses ne se traduisent pas par du concret», a-t-elle soutenu.
Cette dernière est d’avis que ce manque de volonté politique contrasterait d’ailleurs avec l’appui favorable constatée à l’égard des projets d’habitations sociales et communautaires.
«Il y a vraiment un momentum. Vous avez vu le Sommet de l’habitation organisé par Longueuil et Laval. Les villes sont prêtes. Le gouvernement leur a donné un droit de préemption, mais si l’argent ne descend pas, les terrains resteront vides.»
Les candidats se prononcent
Les candidats politiques du Parti libéral du Québec, du Parti québécois et de Québec solidaire étaient présents lors de la conférence de presse.
Tout un chacun a déploré un certain manque de soutien financier du gouvernement caquiste envers les OSBL d’habitations au profit de projets privés axés sur la construction de logements abordables.
Le député solidaire sortant, Vincent Marissal, estime que «la CAQ ne paraît pas bien ici. Elle ne reconnaît pas la crise du logement. Elle ne décaisse pas. On attend juste le chèque. Ce n’est pas leur priorité. Pour ajouter l’insulte à l’injure, la CAQ est en train de pervertir AccèsLogis vers le privé parce que c’est le bon vieux dogme des néolibéraux et de la CAQ que ça va bien mieux avec le privé. Ben non. Ici, c’est du communautaire et ils ont tous fait leur devoir. J’ai vu le projet naître sur papier. Aujourd’hui, on devrait être en train de creuser, pas en train de parler.»
Quant au candidat péquiste, Pierre-Luc Brillant, il croit qu’il faut «mettre le nez du gouvernement dans ces problématiques». «C’est un gouvernement qui ne semble pas accorder beaucoup d’importance au communautaire, aux gens moins bien nantis. C’est un gouvernement qui est à l’argent», a-t-il affirmé.
De son côté, la candidate libérale Sherlyne Duverneau est d’avis que le manque de soutien et d’engagement financier envers ce type de projet d’habitations découlerait d’un désintérêt politique marqué envers la population de l’est de Montréal. «Pour des projets comme celui-ci, il faut du leadership et de la volonté politique. Depuis quatre ans, Rosemont est en mode décroissance. Il faut être en mode développement. Il faut bonifier l’AccèsLogis pour construire des logements sociaux et communautaires. L’est de Montréal est l’enfant orphelin de la politique. On est une grande communauté francophone, on est des immigrants et on est aussi des oubliés de la politique.»