Une course en taxi, des frais de scolarité ou une botte de radis… Les Chinois paient de plus en plus avec leur cellulaire si bien que le pays qui a inventé le papier monnaie pourrait bien être le premier à s’en débarrasser.
Dans un des derniers marchés en plein air de Beijing, Yang Qianqian scanne à l’aide de son téléphone intelligent le code-barre que lui tend un commerçant sur son propre téléphone. En un clin d’œil, la transaction est faite et la jeune femme, qui étudie la danse, s’en va avec ses sacs en plastique remplis de poires, de patates et d’une pastèque.
«J’ai du liquide sur moi mais ce n’est pas très pratique à sortir quand je porte des sacs», observe l’étudiante. Alors que le téléphone, Qianqian et ses compatriotes l’ont presque déjà tout le temps à la main…
Dans les grandes villes, le paiement mobile est omniprésent. Lors de la seule année dernière, la valeur des marchandises achetées à partir de terminaux mobiles a été multipliée par trois, à près de 7 285 G$, d’après le cabinet iResearch.
Une expansion largement soutenue en Chine par la vigueur du commerce électronique, alors que les consommateurs boudent de plus en plus les points de vente classiques pour tout commander en quelques clics depuis la maison ou le bureau, du repas de midi au billet d’avion.
«Il est tout à fait possible que la Chine devienne dans les dix ans qui viennent la première ou l’une des premières sociétés sans argent liquide», pronostique Ben Cavender, directeur au cabinet d’études de marché China Market Research Group.
Selon lui, le marché du paiement mobile en Chine est déjà 40 à 50 fois plus gros que son équivalent aux Etats-Unis.
Cap sur l’étranger
Le pays compte deux géants du paiement mobile, qui comptent à eux deux des centaines de millions d’utilisateurs: Alipay, filiale d’Ant Financial, propriété du groupe de commerce électronique Alibaba, et WeChat Pay, filiale du service de messagerie WeChat, omniprésent en Chine (groupe Tencent).
Le paiement mobile est tellement entré dans les mœurs que certains restaurants de Beijing n’acceptent plus les billets de banque. Taxis, vendeurs de rue, salons de coiffure, affichent bien souvent le code QR que leurs clients n’auront qu’à scanner pour régler leur transaction.
Résultat, les espèces sonnantes et trébuchantes, qui représentaient encore 61% de la valeur des paiements en 2010, devraient voir leur part tomber à 30% en Chine en 2020, prévoit l’alliance Better Than Cash, soutenue par les Nations unies pour aider à la transition vers le paiement électronique, particulièrement dans les pays pauvres.
Les Chinois sont passés d’autant plus vite au paiement par téléphone intelligent que la carte bancaire a eu assez peu le temps de s’implanter dans le pays après sa généralisation dans les années 2000.
Mais les plus âgés restent parfois rétifs à l’usage du portable. «Le liquide, c’est plus pratique parce que je vieillis et ne vois pas très bien», confie une marchande de rue sexagénaire. Elle doit parfois accepter les paiements par smartphone parce que bien des clients n’ont plus d’espèces sur eux.
Fort de leur succès, Alibaba et Tencent commencent à se tourner vers l’étranger, visant le marché des touristes chinois à l’international. Tencent vient de s’allier début juillet à l’allemand Wirecard pour lancer WeChat Pay en Europe, où Alipay est déjà disponible.
La sécurité des paiements mobiles est cependant source d’inquiétude, des malfaiteurs ayant par exemple eu l’idée de remplacer les vrais codes barre par des faux afin de voler les données d’utilisateurs et de vider leur compte en banque.
Soucieuses d’encourager la consommation et l’utilisation des services financiers, les autorités sont à la recherche «du juste équilibre entre l’innovation et la réglementation», selon Better Than Cash.