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Donald Trump un an après l’élection

President-elect Donald Trump gives his acceptance speech during his election night rally, Wednesday, Nov. 9, 2016, in New York. (AP Photo/John Locher)

Il y a un an jour pour jour, Donald Trump surprenait la planète en remportant l’élection qui allait le mener à la Maison-Blanche. Un an après, le novice en politique, dont le style détonnait, a-t-il changé?

Métro s’est entretenu avec Charles-Philippe David, président de l’Observatoire sur les États-Unis de la Chaire Raoul-Dandurand à l’UQAM, et Chedly Belkhodja, directeur et professeur à l’École des affaires publiques et communautaires à Concordia.

Observe-t-on une différence entre le candidat Donald Trump et le président?
Chedly Belkhodja: Dans un sens, je dirais non. Il a gardé un style imprévisible. Cette envie de toujours tweeter, de se connecter directement avec une base plus fidèle à ses idées. Il a gardé son style plus spontané, plus émotif. Sur ce côté, il n’a pas trop changé. Mais il y a eu des moments, comme la tuerie de Las Vegas, où il a suivi un script.

Charles-Philippe David: Oui et non. Non, ce n’est pas différent parce qu’il est resté fidèle à un Trump avec une personnalité très impulsive, vindicative, hargneuse, qui prend mal les critiques et qui tweete autant. Ce qui pose des problèmes. Puisque ce style de gouvernance est extrêmement compliqué et imprévisible.

Oui, parce que je pense que Trump a évoqué pendant la campagne des symboles de victoire, de l’Amérique d’abord, du président qui dirige tout et qui fait des changements avec fracas. Mais comme président, il n’a pas fait ce qu’il avait annoncé. La réalité du pouvoir et les conseillers qui l’entourent ont réussi à tempérer les ardeurs de ce président intempestif et imprévisible.

C’est un président atypique et imprévisible, mais est-ce qu’à force d’être imprévisible, il n’est pas devenu prévisible?
C.B.: Oui, on rentre un peu dans un schéma prévisible, mais en même temps, on espère que sur des questions géostratégiques il n’y ait pas de dérapage. Normalement, la fonction de président fait qu’on prend de la distance. Mais parfois, il peut se «lâcher loose», ce qui plaît cependant à un certain nombre.

C.-P.D.: Ce qu’il y a de terriblement nouveau, c’est son impulsivité à tweeter sans arrêt, et ça, c’est la prévisibilité de l’imprévisibilité. Chaque matin, je regarde en me demandant ce qu’il a dit sur la Corée du Nord, sur l’Iran, sur l’ALENA, sur les alliés, sur le climat…

Sa cote de popularité est très faible. Est-ce une première?
C.B.: C’est un peu la réalité de nos démocraties. L’électorat est très volatil. Avec la polarisation de l’électorat, de l’opinion publique, des médias, la réalité des États-Unis, c’est peut-être ça. Les gens s’aperçoivent finalement qu’ils sont moins proches de ce personnage.

C.-P.D.: Il n’y a pas un président dont la cote de popularité a été aussi basse durant la première année. Sa cote est d’environ 37 %, selon les derniers sondages. Mais aussi, il n’y a pas un président de l’ère moderne dont la cote d’impopularité est aussi élevée. Donc, c’est le premier président dont la différence entre l’impopularité et la popularité est aussi grande. C’est inédit durant la première année.

Est-ce que sa base électorale est toujours présente?
C.B.: Je crois que ce que Trump souhaite faire c’est d’aller à la rencontre de sa base dans des rallyes où on a l’impression qu’il y a encore un socle qui le soutient et qui l’appuie. Mais de façon générale, il essuie beaucoup de critiques. Mais en même temps, il va chercher cette base quand il veut donner l’impression qu’il a un certain appui.

C.-P.D.: J’ai vu des chiffres de 80% des républicains qui sont encore très satisfaits de Donald Trump. Mais ce n’est pas qu’avec sa base qu’il a gagné, mais avec les indécis, les anti-Clinton, etc. Et je pense qu’il y a un effritement de son arc-en-ciel électoral.

«C’est un président qui n’apprend pas les rouages du gouvernement et qui ne donne pas l’impression de passer une première année en apprentissage.» –Charles-Philippe David, président de l’Observatoire sur les États-Unis de la Chaire Raoul-Dandurand à l’UQAM

Depuis qu’il est entré à la Maison-Blanche, de nombreux conseillers ont été limogés.
C.B.: C’est un peu la recette d’un homme d’affaires qui gère une entreprise et qui applique les mêmes règles que son émission de téléréalité The Apprentice [NDLR: Donald Trump éliminait les candidats en disant «You’re fired!» («Vous êtes viré!»)].  Il a de la difficulté à faire confiance, et réagit en limogeant des gens.

C.-P.D.: Je n’ai jamais vu un roulement aussi important. On a déjà vu des changements dans les administrations précédentes, mais ceux-ci s’étalaient, ou se produisaient, entre les deux termes d’un mandat, mais pas dans la première année. Une porte tournante comme celle qu’on voit depuis moins d’un an est inédite. Ça démontre une instabilité.

En moins d’un an au pouvoir qu’a accompli le président Donald Trump?
C.B.: Il n’a pas accompli énormément de choses. Et la liste de ses échecs est longue… Il a essayé d’abroger [le plan de santé de son prédécesseur, Barack Obama] Obamacare, ça n’a pas fonctionné. Sur la question de l’immigration, il s’est heurté à des refus et à des mobilisations. C’est un personnage qui n’attire pas et la communauté internationale ne sait pas sur quel pied danser.

C.-P.D.: Pour lui, une de ses réussites est la nomination d’un juge républicain à la Cour suprême, Neil Gorsuch. Il croit que la réduction des taxes pour les entreprises, qui doit être ratifiée en 2018, relancera l’économie américaine et sera un vecteur de développement. Mais c’est aussi un vecteur d’endettement. Une autre victoire pour lui, mais certainement pas pour nous, c’est le retrait des États-Unis de l’accord de Paris sur les changements climatiques.

Et, il y a la longue liste d’insuccès. Ça va de l’échec d’abroger Obamacare, en passant par le mur du Mexique qui pour l’instant ne sont que des prototypes. C’étaient deux éléments importants de sa campagne. Ça n’a toujours pas été fait et ça ne sera pas fait avant longtemps, si ce n’est même jamais fait. Il y a également la remise en question des traités commerciaux qui est, selon moi, une grave erreur. La remise en question de l’accord sur le nucléaire avec l’Iran, la Corée du Nord et la gesticulation militaire aussi.

Que peut-on attendre des élections de mi-mandat qui auront lieu l’année prochaine?
C.B.: Les élections seront un test pour le président Trump. Il essaye de ne pas trop s’attacher à des lignes partisanes. Parfois, Donald Trump s’approche des démocrates pour s’éloigner des républicains. Mais ça risque d’être difficile pour le président, si les républicains perdent des plumes aux élections. Ça risque de le miner pour le reste de son mandat.

C.-P.D.: Je suis moins optimiste qu’il y a un mois parce que le camp républicain est tout aussi fractionné et divisé que le camp démocrate. Alors, ça s’annonce plutôt mal. C’est encore possible à la Chambre des représentants, mais je ne pense pas que ça puisse fonctionner au Sénat. Mais, on pourrait être aussi consterné qu’il y a un an de voir les républicains l’emporter dans les deux chambres.

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