L’ex-avocat de Donald Trump, Michael Cohen, devenu un dangereux témoin à charge pour son ancien client, a reporté mercredi son audition prévue début février au Congrès, invoquant de façon spectaculaire des «menaces» du président contre sa famille.
«En raison de menaces répétées contre sa famille de la part du président Trump et de [son avocat Rudy] Giuliani, pas plus tard que ce week-end, et de la poursuite de la coopération de M. Cohen avec les enquêtes en cours, l’audition de M. Cohen […] a été reportée à une date ultérieure», a indiqué l’avocat de M. Cohen dans un communiqué transmis à l’AFP.
«M. Cohen doit à l’heure actuelle donner la priorité à sa famille et à la sécurité» de cette dernière, a ajouté l’avocat, Lanny Davis. Interrogé peu après par des journalistes sur cette déclaration, M. Trump a rejeté l’idée qu’il ait pu menacer son ancien homme de confiance: Michael Cohen «n’est menacé que par la vérité», a assuré le président, qui n’a cessé de qualifier de mensonges les déclarations de son ex-avocat ces derniers mois.
Aucune nouvelle date n’a été fixée pour cette audition, qui était prévue pour le 7 février devant la commission de contrôle de la Chambre des représentants, où les démocrates ont repris la majorité à l’issue des législatives de novembre. M. Davis n’a par ailleurs donné aucune précision sur la nature des «menaces» à l’encontre de la famille de M. Cohen.
Mais plusieurs représentants démocrates ont immédiatement pointé plusieurs tweets récents du président américain, dans lesquels M. Trump laissait entendre que le beau-père et la femme de Michael Cohen, pourraient avoir eux aussi commis des délits condamnables par la justice. «Il invente des histoires pour obtenir une super peine réduite pour lui-même, et permettre à sa femme et son beau-père (qui a l’argent?) de s’en sortir indemne», tweetait notamment début décembre le locataire de la Maison Blanche.
Elijah Cummings, président démocrate de la commission qui devait organiser l’audition, comme Adam Schiff, président de la commission sur le renseignement, qui suit de très près l’enquête russe sur des soupçons de collusion entre l’équipe de campagne de M. Trump et la Russie lors de la présidentielle de 2016, ont indiqué «comprendre les inquiétudes légitimes» de M. Cohen. Ils ont dénoncé dans un communiqué commun «tout effort d’intimider des témoins ou de les empêcher de témoigner», n’hésitant pas à les qualifier de «tactiques mafieuses classiques».
«Nous ne laisserons pas les tactiques du président nous empêcher d’assumer les responsabilités de supervision que nous a dévolues la Constitution», ont-ils ajouté, se disant déterminés à auditionner M. Cohen à une date future. Depuis août 2018, Michael Cohen a déjà livré de nombreux témoignages compromettants pour le président.
Après avoir plaidé coupable de fraude fiscale et bancaire et de violation des lois sur le financement des campagnes électorales – pour avoir acheté pendant la campagne 2016 le silence de deux ex-maîtresses présumées du milliardaire – il a impliqué directement Donald Trump en affirmant avoir payé les deux femmes à la demande du magnat new-yorkais.
Il a aussi fourni des éléments préjudiciables au procureur spécial Robert Mueller, en charge de l’enquête-fleuve sur les liens éventuels entre l’équipe de campagne de M. Trump et Moscou. Il a notamment reconnu avoir menti, lors d’une première audition au Congrès en 2017, sur la nature et le calendrier de ses contacts avec des responsables russes sur un projet de construction d’une tour Trump à Moscou.
Ces contacts se sont en fait poursuivis beaucoup plus avant dans la campagne présidentielle américaine qu’initialement indiqué par M. Cohen. Le site d’information BuzzFeed News a lâché une mini-bombe la semaine dernière en affirmant, citant deux sources policières fédérales anonymes, que Donald Trump avait demandé à Michael Cohen de mentir au Congrès sur ce projet immobilier.
Dans une déclaration publique rarissime, le bureau du procureur Mueller avait cependant qualifié d’«inexactes» ces informations. Le report de l’audition de Michael Cohen confirme, si besoin était, combien l’enquête russe et celle sur de possibles tentatives d’obstruction de la justice sont devenues explosives pour le président américain, confronté à des démocrates galvanisés par leur nouvelle majorité à la Chambre des représentants.