Le Parlement britannique sera suspendu la deuxième semaine de septembre et jusqu’au 14 octobre, soit deux semaines seulement avant la date prévue du Brexit. L’annonce a été faite mercredi le premier ministre Boris Johnson, une manoeuvre qualifiée de «scandale constitutionnel» par le président de la Chambre des communes.
La livre sterling a chuté de 0,6% face à l’euro et au dollar américain à la suite de cette nouvelle, qui rend improbable pour les députés de l’opposition d’empêcher une sortie sans accord de l’Union européenne. Ce scénario fait craindre des pénuries et le rétablissement de droits de douane.
Un scandale
C’est un «scandale constitutionnel», a ainsi jugé le président de la chambre basse du Parlement, John Bercow. Celui-ci s’était notamment fait remarquer lorsqu’il avait bloqué un nouveau vote sur l’accord de Retrait de l’UE conclu par Theresa May quand elle était première ministre, si son contenu n’était pas modifié, se faisant accuser de vouloir saborder le Brexit.
La rentrée parlementaire, qui s’annonce houleuse, est prévue pour mardi. Le premier ministre a demandé à la reine Elizabeth II de suspendre le Parlement la semaine suivante, après les débats du 9 septembre, et jusqu’au 14 octobre. La session parlementaire reprendrait alors avec le traditionnel discours de la Reine, dans lequel elle expose le programme de son gouvernement.
«Je pense qu’il est essentiel que le Parlement siège avant le Conseil européen (prévu pour les 17 et 18 octobre prochains, ndlr) et si, comme je l’espère, un accord avec l’UE est imminent, le Parlement aura la possibilité d’adopter la loi sur l’accord de retrait nécessaire à la ratification avant le 31 octobre», a expliqué le chef du gouvernement dans un communiqué.
«Les semaines précédant le Conseil européen sont vitales pour mes négociations avec l’UE», a-t-il souligné, ajoutant: «En montrant unité et détermination, nous avons une chance de décrocher un nouvel accord qui puisse être adopté par le Parlement».
L’accord de sortie de l’UE conclu avec le gouvernement de Theresa May après plus de deux ans de négociations acharnées avait été rejeté à trois reprises par les députés. Ces derniers n’ont pas réussi à se mettre d’accord sur la forme que doit prendre le Brexit, voté en juin 2016 par 52% des Britanniques.
Si le Parlement britannique est traditionnellement suspendu plusieurs semaines en septembre en raison des conférences annuelles des partis politiques, l’extension de cette suspension jusqu’au 14 octobre, 12 jours après la fin de la dernière conférence, celle du parti tory, a provoqué des réactions outragées de l’opposition, qui a dénoncé une manoeuvre «antidémocratique».
«C’est un scandale et une menace à notre démocratie», a réagi Jeremy Corbyn, le chef du Labour, le principal parti d’opposition.
«À moins que les députés ne s’unissent pour l’en empêcher la semaine prochaine, aujourd’hui entrera dans l’histoire comme une sombre journée pour la démocratie britannique», a aussi réagi sur Twitter la première ministre écossaise et cheffe des indépendantistes écossais Nicola Sturgeon.
Un Brexit sans accord?
Cette annonce a été critiquée jusque dans les rangs conservateurs, l’ancien ministre des Finances Philip Hammond, opposé au scénario d’une sortie sans accord de l’UE, dénonçant un aussi «scandale constitutionnel».
Boris Johnson a défendu sa décision, affirmant sur la chaîne de télévision Sky News que le calendrier fixé «laissera amplement le temps aux députés de débattre de l’UE et du Brexit».
Mais pour la cheffe du parti libéral démocrate, Jo Swinson, Boris Johnson a fait preuve de «lâcheté». «Il sait que les gens ne choisiraient pas le « no deal » et que les représentants élus ne le permettraient pas. Il tente d’étouffer leurs voix», a-t-elle déclaré dans un communiqué.
Mardi, les chefs de file des partis d’opposition s’étaient réunis pour convenir d’une stratégie commune afin d’éviter ce départ de l’Union européenne sans accord en votant une loi dans ce sens.
Londres et l’UE s’opposent en particulier sur le sort de la future frontière irlandaise, qui séparera le Royaume-Uni du marché unique européen, tout en se disant prêts à en discuter.