Le premier ministre britannique Boris Johnson a perdu mardi la majorité absolue au Parlement, après la défection d’un député, au moment même où il tentait d’imposer sa stratégie du Brexit à un Parlement en ébullition.
Les députés de l’opposition et des rebelles conservateurs hostiles à un Brexit dur le 31 octobre veulent tenter d’obtenir le vote au Parlement d’une loi empêchant le chef du gouvernement de faire sortir le Royaume-Uni de l’Union européenne sans accord, trois ans après que les Britanniques se furent prononcés par référendum pour un divorce avec l’UE (juin 2016, 52% des voix).
«Nous avons promis au peuple que nous mettrions en oeuvre le Brexit. Nous avons promis de respecter le résultat du référendum et nous devons le faire maintenant. Ca suffit !», a lancé le premier ministre aux députés, rassemblés pour la rentrée parlementaire dans une ambiance électrique.
«Tout le monde dans ce gouvernement veut un accord, mais c’est vraiment cette Chambre des Communes qui a rejeté trois l’accord de sortie (conclu entre l’ex-cheffe du gouvernement Theresa May et Bruxelles) et il ne peut tout simplement pas être ressuscité», a-t-il poursuivi.
Boris Johnson est déterminé à ce que le Royaume-Uni sorte de l’UE le 31 octobre, accord renégocié ou pas.
Tandis qu’il s’adressait à la Chambre, le député Phillip Lee a quitté les rangs du Parti conservateur pour rejoindre ceux du Lib Dem, un parti europhile appartenant à l’opposition, lui faisant perdre la majorité absolue.
«Le gouvernement conservateur poursuit de manière agressive un Brexit (aux conséquences) dommageables. Il met en danger des vies (…) et menace de manière injustifiée l’intégrité du Royaume-Uni», s’est défendu Phillip Lee dans un communiqué.
Des élus conservateurs «rebelles», hostiles à un Brexit dur, s’apprêtent aussi à soutenir l’opposition pour empêcher un départ brutal de l’UE. S’ils remportent un premier vote mardi soir, ils pourront présenter mercredi un texte de loi destiné à contraindre le Premier ministre à demander un nouveau report du Brexit au 31 janvier 2020 au cas où aucun compromis ne serait trouvé avec Bruxelles d’ici au 19 octobre et où le Parlement n’aurait pas approuvé une sortie sans accord.
Mais Boris Johnson a prévenu qu’il n’accepterait dans «aucune circonstance» de demander à Bruxelles un nouveau report.
Si les partisans du «no deal» l’emportent au Parlement, le chef du gouvernement présentera dans la foulée une motion pour organiser des élections législatives le 14 octobre, a prévenu lundi soir un responsable gouvernemental.
Cette motion sera soumise au vote des députés mercredi et devra recueillir les deux tiers des voix.
Le vote crucial pour les adversaires d’un no deal, s’il est autorisé par le président de la Chambre des Communes, doit intervenir vers 21h heure locale.
«Il est tout simplement faux de dire que nous ne faisons aucun progrès» dans les discussions avec l’UE, a décrété Boris Johnson. «Il y a beaucoup à faire dans les prochains jours, mais les choses sont en train de bouger», a-t-il assuré.
Haussant la voix pour couvrir le brouhaha issu des rangs de l’opposition, le premier ministre a notamment annoncé qu’il rendrait visite lundi au premier ministre irlandais Leo Varadkar, qui est fortement préoccupé par l’avenir de la frontière irlandaise en cas de Brexit sans accord.
Boris Johnson s’est attiré les foudres des députés en décidant de suspendre pendant cinq semaines le Parlement, comme il en a le droit, jusqu’au 14 octobre, leur laissant très peu de temps pour s’opposer à un Brexit dur. Il a aussi menacé d’exclusion du parti les Tories quiconque voudrait voter avec l’opposition.
Cet ultimatum ne semble toutefois pas décourager les «rebelles» et l’ancien ministre des Finances Philip Hammond, l’un des conservateurs farouchement opposés à un divorce brutal avec l’UE, a estimé mardi sur la BBC qu’il y aurait suffisamment de soutiens au parlement pour bloquer une sortie sans accord.
Jeremy Corbyn, le chef du Labour, la principale formation de l’opposition, se dit quant à lui prêt à des législatives «pour que les gens décident de leur avenir».
Près de Westminster, des manifestants opposés au Brexit agitaient des drapeaux européens tandis qu’un homme déguisé en Boris Johnson faisait mine d’actionner une «bombe « no deal »». De leur côté, les partisans du Brexit arboraient des pancartes proclamant: «On a voté pour partir».
En plus du Parlement, la bataille contre un Brexit dur se poursuit devant les tribunaux, avec plusieurs initiatives visant à empêcher la suspension du Parlement, dont deux examinées mardi, l’une par la plus haute instance civile d’Écosse et l’autre par la Haute Cour d’Irlande du Nord.