Le bras de fer entre Donald Trump et les démocrates du Congrès s’est tendu mardi, l’exécutif interdisant à l’ambassadeur des États-Unis auprès de l’Union européenne de témoigner devant les élus dans le cadre de la procédure de destitution visant le président républicain.
Donald Trump a justifié cette décision en qualifiant les auditions organisées par l’opposition au Congrès sur l’affaire ukrainienne de «tribunal bidon».
«J’adorerais envoyer l’ambassadeur (Gordon) Sondland, un homme très bien et un grand Américain, témoigner, mais malheureusement il témoignerait devant un tribunal bidon totalement partial», a-t-il tweeté.
L’absence de l’ambassadeur mardi matin, un «acteur-clé» dans l’affaire ukrainienne, et le fait qu’il n’ait pas livré de documents attendus représentent «de nouvelles preuves fortes d’une entrave aux missions constitutionnelles du Congrès», a réagi Adam Schiff, président de la puissante commission du Renseignement à la Chambre des représentants.
La Maison-Blanche est clairement passée à la contre-offensive dans cette enquête explosive, refusant de donner suite à de nombreuses demandes émises par les démocrates qu’elle accuse de mener une enquête partiale, visant à nuire à Donald Trump à l’approche de la présidentielle de novembre 2020.
En face, les démocrates martèlent qu’empêcher le Congrès d’avancer dans son enquête pourrait constituer une entrave à la justice. Dans une mise en garde claire, ils rappellent dans le même souffle que cela avait été l’un des trois motifs de destitution retenus à l’encontre du président Richard Nixon en 1974, avant sa démission.
C’est le département d’État américain qui a demandé à l’ambassadeur Sondland «de ne pas se présenter aujourd’hui» à la déposition prévue à la Chambre, selon son avocat Robert Luskin.
Venu de Bruxelles à Washington pour participer volontairement à cette audition, M. Sondland «espère que les problèmes évoqués par le département d’État» pour l’empêcher de témoigner «seront résolus rapidement», a ajouté son avocat.
Homme d’affaires ayant fait fortune dans le secteur hôtelier, Gordon Sondland a contribué à financer la campagne et la cérémonie d’investiture de Donald Trump, dont il est devenu proche.
Depuis son poste à Bruxelles, il a participé cette année à des échanges de SMS entre diplomates qui sont au coeur de l’affaire ukrainienne.
Remis au Congrès la semaine dernière, ces messages ont conforté les démocrates dans leurs soupçons: le président américain a fait pression cet été sur son homologue ukrainien Volodymyr Zelensky pour qu’il cherche des informations compromettantes sur son rival démocrate Joe Biden, estiment-ils.
Les démocrates accusent Donald Trump d’avoir ainsi abusé de son pouvoir à des fins électorales personnelles, puis d’avoir cherché à étouffer l’affaire.
La présidente démocrate de la Chambre, Nancy Pelosi, a donc annoncé le 24 septembre l’ouverture d’une enquête en vue d’une mise en accusation (impeachment) de Donald Trump.
«Nous savons que l’ambassadeur Sondland a été un acteur-clé dans les efforts pour obtenir de l’Ukraine son engagement à enquêter sur une théorie du complot fallacieuse concernant l’élection (présidentielle de) de 2016 ainsi que Joe Biden et son fils» Hunter, selon M. Schiff.
Il a également affirmé que l’ambassadeur disposait de «SMS ou emails» qui seraient «absolument pertinents» pour leur enquête mais que la diplomatie américaine refusait de les livrer.
Dans les échanges de SMS révélés par les démocrates la semaine dernière, un diplomate de carrière en poste à Kiev s’émeut de voir une aide militaire destinée à l’Ukraine mise dans la balance, selon lui, pour faire pression sur Kiev: «je trouve ça dingue de suspendre l’aide sécuritaire en échange d’un coup de main pour une campagne politique», écrit Bill Taylor le 9 septembre.
Gordon Sondland met alors court à cette conversation: «Bill, je pense que vous avez tort concernant les intentions du président Trump. Le président a été très clair, pas de contrepartie, d’aucune sorte». Une phrase reprise par Donald Trump mardi matin.
Lindsey Graham, un grand allié du président au Sénat, à majorité républicaine, a annoncé peu après qu’il comptait inviter le flamboyant avocat personnel de Donald Trump, Rudy Giuliani, à témoigner sur des affaires présumées de «corruption» en Ukraine.
Comprendre: les républicains comptent désormais donner une plateforme médiatique aux soupçons que l’avocat propage depuis des mois sur les Biden.