La campagne pour les élections anticipées du 12 décembre a officiellement démarré mercredi au Royaume-uni sur les chapeaux de roue, le premier ministre Boris Johnson comparant son rival travailliste Jeremy Corbyn à Staline et se posant en sauveur du Brexit.
Le premier ministre s’est rendu dans la matinée au palais de Buckingham pour rencontrer la reine et acter la dissolution du Parlement, dont les divisions ont jusqu’ici empêché la mise en oeuvre de la sortie de l’UE, votée par 52% des Britanniques il y a plus de trois ans mais déjà repoussée trois fois.
Puis il a appelé, dans une déclaration depuis ses bureaux au 10, Downing Street, les électeurs à voter conservateur pour que «le Brexit se réalise», affirmant qu’il présenterait à nouveau son accord de sortie de l’UE conclu avec Bruxelles devant le Parlement dès «le premier jour» de sa nouvelle session en décembre, afin que la sortie de l’Union puisse être effective en janvier.
Boris Johnson doit tenir dans la soirée son premier grand meeting de campagne dans le coeur du pays, les West Midlands, et reprendra ses thèmes favoris: le Brexit mais aussi toutes les questions sociales négligées ces dernières années par ce sujet qui a phagocyté la politique britannique: éducation, logement, santé, sécurité.
Il a lancé sa première salve dans un éditorial publié par son quotidien préféré, le Daily Telegraph, dans lequel il a comparé Jeremy Corbyn au dictateur soviétique Joseph Staline en raison de sa «haine» présumée des riches.
«Les absurdités que peuvent sortir les ultra-riches pour éviter de payer un peu plus d’impôts…», a réagi Jeremy Corbyn sur son compte Twitter. Dans un discours à Telford (centre), il a enfoncé le clou en se posant en «champion» de «ceux qui n’ont pas beaucoup d’argent ni des amis haut placés».
Le premier jour de la campagne aura en tout cas été assombri, côté conservateur, par plusieurs couacs.
Le ministre chargé du Pays de Galles, Alun Cairns, a dû démissionner après avoir été accusé d’avoir caché qu’il connaissait le rôle joué par un de ses collaborateurs dont les déclarations dans un procès pour viol ont fait s’effondrer l’accusation. Dans une lettre au Premier ministre, M. Cairns se dit «prêt à coopérer pleinement avec l’enquête» qui va être ouverte sur sa conduite.
Et le très pincé Jacob Rees-Mogg, proche allié de Boris Johnson, a dû s’excuser platement pour avoir dit que «le bon sens» dictait de sortir d’un immeuble en feu, à propos de la mort tragique de 72 habitants de la tour Grenfell à Londres dans un incendie en 2017, pendant lequel les pompiers, très critiqués depuis, avaient donné pour consigne de ne pas bouger.
La remarque de Jacob Rees-Mogg est d’autant plus ravageuse qu’elle le fait apparaître comme coupé des dures réalités de la vie de la population, soit le contraire du message que tente de faire passer Boris Johnson, lui aussi issu d’une classe sociale ultra-privilégiée.
Les sondages placent régulièrement en tête les conservateurs avec une dizaine de points d’avance, mais John Curtice, politologue et grand prêtre des sondages au Royaume-Uni, ne cesse de conseiller la prudence dans les pronostics pour ce scrutin, le troisième en quatre ans.
Boris Johnson, qui a joué un rôle décisif pour faire voter le Brexit en 2016, compte mener campagne en se présentant comme le seul à même de le mettre en oeuvre à la date prévue du 31 janvier 2020, et de clore ainsi un mariage compliqué de près d’un demi-siècle.
Face à lui, Jeremy Corbyn fait valoir qu’il est le seul à pouvoir obtenir de Bruxelles un accord de Brexit respectant les droits des travailleurs, qu’il soumettrait ensuite à un référendum prévoyant aussi l’option de rester dans l’Union européenne. Une telle renégociation est toutefois jugée «pas réaliste» par le président sortant de la Commission Jean-Claude Juncker.
Sur leurs flancs, les petits partis peuvent faire dérailler leurs rêves de conquérir une majorité.
Le parti du Brexit de Nigel Farage menace de prendre des voix à M. Johnson en prônant une coupure plus nette avec l’UE que celle prévue dans l’accord qu’il a négocié avec les Européens.
A l’autre bout du spectre, les europhiles libéraux-démocrates, emmenés par Jo Swinson, veulent annuler le Brexit et peuvent ravir les voix de conservateurs europhiles modérés et de travaillistes déçus des atermoiements de leur leader sur la question.