Entrée en fanfare dans la campagne, Kamala Harris voulait devenir la première femme noire à présider les États-Unis. Mais après une percée fulgurante, la sénatrice était retombée dans les sondages jusqu’à l’annonce surprise, mardi, qu’elle abandonnait la course dans la primaire démocrate faute de moyens suffisants.
C’est devant une foule enthousiaste de 20 000 personnes que l’ex-procureure de Californie s’était alignée fin janvier dans la compétition pour décrocher l’investiture démocrate et défier le républicain Donald Trump lors de la présidentielle de novembre 2020.
Mais depuis une performance remarquée lors d’un débat qui l’avait propulsée, cet été, dans le trio de tête des sondages, la sénatrice âgée de 55 ans était retombée et stagnait loin derrière.
C’est l’une des plus grandes personnalités à abandonner la primaire démocrate, qui compte désormais 15 candidats en lice.
«C’est tellement dommage. Vous allez nous manquer, Kamala!», a ironisé Donald Trump sur Twitter.
«Ne vous en faites pas, monsieur le président. Je vous verrai à votre procès», a aussitôt rétorqué Mme Harris sur le même réseau social. Car faute de l’affronter dans les urnes, la sénatrice participera probablement à l’acte final de la procédure de destitution le visant: son procès au Sénat, qui pourrait être organisé en 2020.
Don’t worry, Mr. President. I’ll see you at your trial. https://t.co/iiS17NY4Ry
— Kamala Harris (@KamalaHarris) December 3, 2019
«Ma campagne pour être élue présidente ne dispose tout simplement pas des moyens dont nous avons besoin pour continuer», avait auparavant reconnu l’ex-candidate.
S’il n’est pas nommé, le milliardaire Michael Bloomberg apparaît en filigrane de la lettre annonçant à ses supporteurs qu’elle jette l’éponge.
Kamala Harris venait en effet d’être reléguée à la sixième place (3,4% selon la moyenne de l’institut RealClearPolitics) par M. Bloomberg.
«Je ne suis pas une milliardaire. Je ne peux pas financer ma propre campagne», a souligné la sénatrice. «Et alors que la campagne avance, il est devenu de plus en plus difficile de lever l’argent dont nous avons besoin».
Pourfendeuse des grandes fortunes, la sénatrice démocrate Elizabeth Warren, troisième dans les sondages (14%), a saisi ces mots au vol pour renforcer son message de campagne: «Kamala a raison, notre système est profondément défaillant quand des milliardaires peuvent acheter leur billet d’entrée», a-t-elle tweeté.
Ancien maire de New York, Michael Bloomberg a rejoint fin novembre la primaire démocrate, de longs mois après les principaux candidats.
Le candidat modéré parie sur une stratégie inédite: il ne se présentera pas dans les premiers États qui voteront en février, d’ordinaire très influents sur la suite de la course, mais attendra le «Super Tuesday» du 3 mars, lorsqu’une quinzaine d’États organiseront leurs primaires. D’ici là, il arrosera ces territoires de spots de campagne auto-financés.
Il a salué d’un tweet le départ de Kamala Harris en affirmant qu’elle avait apporté «des idées et une perspective importante» à la primaire.
Toujours favori pour la primaire, l’ancien vice-président Joe Biden a salué l’«intellect» et le «talent» de Kamala Harris, malgré leur échange très vif en juin lors du débat qui avait fait décoller la sénatrice dans les sondages.
Devant les caméras, il n’a pas répondu à la question que tous se posaient mardi: envisagerait-il d’en faire sa vice-présidente s’il était élu à la Maison-Blanche?
Alors qu’elle menait encore une intense campagne tout récemment dans l’Iowa, Kamala Harris a confié être parvenue à l’«une des décisions les plus dures» de sa vie «ces derniers jours».
Elle a grandi à Oakland, dans la Californie progressiste des années 1960, fière de la lutte pour les droits civiques de ses parents immigrés: un père jamaïcain professeur d’économie, et une mère indienne aujourd’hui décédée, chercheuse spécialiste du cancer du sein.
Aimant raconter son histoire familiale digne du meilleur «rêve américain», elle a déjà plusieurs fois décroché des titres de pionnière.
Après deux mandats de procureure à San Francisco (2004-2011), elle avait été élue, deux fois, procureure de Californie (2011-2017), devenant alors la première femme, mais aussi la première personne noire, à diriger les services judiciaires de l’État le plus peuplé du pays.
Puis en janvier 2017, elle avait prêté serment au Sénat à Washington, s’inscrivant comme seulement la seconde sénatrice noire dans l’histoire américaine.