Les dirigeants des principaux pays impliqués dans le conflit qui déchire la Libye se sont réunis dimanche à Berlin pour tenter poser les bases de la paix dans le pays en évitant les ingérences étrangères qui attisent le conflit.
Ce sommet sous l’égide de l’ONU, qui réunit onze dirigeants étrangers, dont Vladimir Poutine, Emmanuel Macron, Boris Johnson, Recep Tayyip Erdogan et Angela Merkel, s’est ouvert en début d’après-midi vers 14h GMT et doit se terminer tard dans la soirée par l’adoption d’une déclaration commune négociée depuis plusieurs semaines, dans un contexte de fragile trêve des combats sur le terrain.
Outre la fin des immixtions étrangères dans ce pays plongé dans le chaos et la guerre civile, sur fond d’appétits pétroliers et de rivalités politiques régionales, l’accord, vu par l’AFP, devrait comprendre un engagement à respecter l’embargo sur les livraisons d’armes. Il a été décrété en 2011 par l’ONU mais est largement resté lettre morte.
Un appel à un arrêt «total» et durable des hostilités sur le terrain doit aussi être lancé, tandis que le débat sur l’éventuel envoi sur place d’une force internationale pour en vérifier la réalité gagne du terrain.
Le secrétaire d’État américain Mike Pompeo a jugé à Berlin «nécessaire la fin de toutes les interventions étrangères», dans un message sur Twitter.
«Guerre par procuration»
«Vous avez affaire fondamentalement à une guerre par procuration pilotée par des forces extérieures, qu’il s’agisse de la Russie et de l’Égypte d’un côté et de la Turquie et d’autres de l’autre côté (…) la population libyenne a assez souffert, il est temps que ce pays aille de l’avant», lui a fait écho le chef du gouvernement britannique Boris Johnson, sur la chaîne Sky en arrivant dans la capitale allemande.
La Turquie soutient en Libye le camp de Fayez al-Sarraj, le chef du Gouvernement d’union nationale (GNA) reconnu par l’ONU à Tripoli, mais qui ne contrôle qu’une petite partie du territoire, tandis que son rival Khalifa Haftar, l’homme fort de l’Est libyen, peut compter dans une grande mesure sur celui de Moscou, de l’Égypte, l’Arabie saoudite ou des Émirats arabes unis.
Pour Ankara le coupable est tout trouvé. «Pour parvenir à une solution politique et à la mise en œuvre des autres phases de la solution, l’attitude hostile de Haftar doit cesser», a déclaré dimanche Recep Tayyip Erdogan lors d’un entretien avec son homologue russe Vladimir Poutine.
Le GNA a signé un accord formel de cessez-le-feu suite à la trêve engagée en Libye le 12 janvier, sous l’impulsion de l’axe russo-turc, mais pas le maréchal Haftar. Les deux protagonistes de la crise en Libye sont à Berlin mais pas assis à la même table.
À la veille du sommet, les forces du maréchal Haftar ont paru vouloir envoyer un message à la conférence de Berlin en bloquant les principaux terminaux pétroliers de l’est du territoire libyen. Une manière pour elles de protester contre l’intervention turque.
Les dirigeants turc et russe sont au centre de l’attention à Berlin: ils jouent aujourd’hui un rôle central en Libye en profitant du vide laissé par les Européens et du mouvement de retrait plus général des États-Unis au Moyen-Orient.
La réunion a toutefois déjà fait plusieurs mécontents: le Maroc et la Grèce, qui n’ont pas été invités, mais aussi la Tunisie qui a décliné une invitation jugée trop tardive. L’Algérie sera en revanche représentée.
L’ONU espère surtout que cette conférence renforcera le cessez-le-feu entré en vigueur à l’initiative de la Russie et la Turquie.
Jusqu’ici, la trêve a été plus ou moins respectée entre les deux camps rivaux aux portes de la capitale.
Force internationale à l’étude
Mais des escarmouches sont signalées presque quotidiennement, y compris le jour du sommet au sud de Tripoli.
Après s’être emparé de l’Est et d’une grande partie du sud de la Libye, Khalifa Haftar est parti à la conquête du centre du pouvoir à Tripoli. Il fait cependant face depuis début avril à une résistance farouche.
De son côté, le chef du GNA a demandé dimanche l’envoi dans son pays d’une «force militaire internationale» sous l’égide de l’ONU au cas où le maréchal Haftar reprendrait les combats.
Elle aurait pour mission de «protéger la population civile», a-t-il dit, faisant écho à des propos similaires cette semaine du chef de la diplomatie européenne Josep Borrell.
Les chefs de gouvernement italien et britannique se sont dits prêts dimanche, le cas échéant, à contribuer à la surveillance d’un cessez-le-feu durable dans le pays.