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Pertes de mémoire en Syrie

Plus de 100 000 Syriens, dont au moins 10 000 enfants, sont morts depuis le premier coup de canon le jeudi 15 mars 2011. Dans l’indifférence générale. La guerre civile détruit aussi un patrimoine archéologique parmi les plus riches au monde.

Œuvres d’art remontant aux Babyloniens et aux Phéniciens, puis aux Grecs, aux Romains et aux Byzantins, en passant par les Perses, les Arabes et les Turcs, châteaux et forteresses du temps des Croisades, mosquées et églises datant du Moyen-Âge : la liste du carnage culturel est longue. Des milliers de manuscrits et d’antiquités se retrouvent tous les jours sur le marché noir. Des mosaïques sont arrachées au marteau-piqueur. Les rebelles monnaient le tout pour s’acheter des armes. L’armée syrienne, elle, a transformé certains sites archéologiques en camps militaires.

C’est le grand vol à l’étalage de toute l’histoire de la Syrie, pays plusieurs fois millénaire. Les objets dérobés sont vendus aux enchères à Londres, New York et Paris chez Christie, Sotheby et Drouot, même si la Cour pénale internationale (CPI) qualifie le vol des trésors de l’humanité de «crime de guerre» passible de poursuites.

Comme il y a 10 ans en Irak quand le plus vieil État du monde a été dépossédé d’une bonne partie de ses biens archéologiques et artistiques sous le regard impassible des soldats américains, l’UNESCO tire la sonnette d’alarme. Mais ce sont des cris dans le désert. En juin, l’organisation onusienne a encore inscrit sur sa liste du patrimoine mondial en péril six sites historiques syriens menacés par les combats. La plupart d’entre eux sont des lieux stratégiques dans la guerre à finir que se livrent les deux parties.

À Alep, par exemple, le minaret de la mosquée des Omeyyades construite au VIIIe siècle s’est effondré. Il offrait militairement une vue imprenable sur la ville – une des plus vieilles du monde – qui a également perdu une grande partie de ses souks centenaires.

Prendre soin de «vieilles pierres» est le dernier souci des 23 millions de Syriens. Deux millions d’entre eux ont fui à l’étranger, quatre autres sont des déplacés à l’intérieur de leur pays, frappé par la plus grave crise humanitaire depuis le génocide du Rwanda en 1994.

Le saccage du patrimoine culturel de la Syrie – où une quarantaine de civilisations se sont succédé – se produit aussi dans d’autres pays en plein «printemps arabes».

En Égypte, des tombeaux près des pyramides de Dahchour, non loin du Caire, viennent d’être pillés.

Les trésors archéologiques de la Tunisie et de la Libye sont également dérobés. Dans ce dernier pays, huit mille pièces de monnaie datant d’Alexandre le Grand ont disparu.

C’est la mémoire du monde qui s’évanouit dans ces terres de civilisations.

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