CHRONIQUE – Simple tactique – un peu cheap s’entend – pour obtenir votre attention précieuse. Un petit quatre minutes de lecture. Peut-être même moins, si vous y allez en diagonale. Dans tous les cas, vous êtes avertis, le sujet se veut d’une platitude absolue. Davantage, du moins, que la dernière dispute entre Antoine-Antonin et Marie-Manche-de-Pelle.
J’exagère? Pas selon nos médias entiers, lesquels ont réussi à élever au rang d’enjeux sociétaux les néo-tribulations d’une émission où règnent simultanément hypocrisie, auto-fellation et douchebags au cube carré.
Le but du jeu? Faire calisser dehors ses adversaires afin de remporter un condo en carton. Certains, offensés de l’étiquette «épaisse» apposée sur leur show quasi-fétiche, tentent la justification en plaidant, sans rire, regarder la déchéance avec leurs ados afin de leur enseigner valeurs et morale.
Pas un livre.
Pas un film.
Pas un album.
Pas un documentaire.
Occupation double.
– Papa, pourquoi ça va aussi mal, dans le monde?
– Ché ben po.
Et nos médias, affût du clic, propulse la bêtise temps plein, diffuseurs d’État compris.
Plus d’une chose insignifiante a pris de l’ampleur grâce à une bonne publicité.
– Mark Twain
Snob? C’est bon, j’assume. Mais le problème réside ailleurs. Ici, à vrai dire: pendant que le temps d’antenne, social ou traditionnel, est monopolisé par le chest épilé de Philippe-Phillipin, la planète crame. Oui, crame. Un beau réchauffement de 3 °C dans pas trop long, malgré que la science climatique, endossée par l’Accord de Paris, juge impératif de le limiter à 1,5 °C.
L’Agence d’évaluation d’impact du Canada vient d’ailleurs de confirmer que les émissions mondiales de gaz à effet de serre afférentes aux combustions fossiles augmenteront, cette année, de 300 millions de tonnes. On pourrait aussi, bien entendu, ajouter au bilan l’augmentation des subventions aux pétrolières canadiennes.
Subventionner des banques [ou autres fossoyeurs d’humanité], c’est comme acheter des bottes à quelqu’un pour qu’il nous botte le cul.
– Michel Chartrand
Nouvelle preuve, donc, que non seulement nos leaders politiques ne fichent rien, mais qu’ils aggravent, systématiquement, le problème.
Et pourquoi? Parce qu’on regarde ailleurs, sourires béats.
Décalissez-la ma planète
Décrissez Mars avec
Les électeurs sont des morons
Profitez-en
Ils vous la laissent
– Vulgaires Machins
Le lectorat rendu jusqu’ici – probablement rarissime – référera potentiellement au «whataboutism»: qu’est-ce qui nous empêche de nous intéresser à la fois au réchauffement climatique ET à Occupation double?
Juste observation. En théorie. Parce que la dernière fois que le réchauffement a obtenu le millième de la visibilité médiatique d’OD, d’après vous?
Je m’émeus du spectacle de la dégradation de l’homme par l’homme.
– De Tocqueville
Or, seulement pendant les dernières semaines:
– Le tiers du Pakistan est inondé, laissant plus de 30 millions de ses citoyens sans toit.
– La revue Science a publié une nouvelle étude névralgique, témoignant que le monde se rapproche de cinq points de bascule aux perturbations destructrices et conséquemment irréversibles.
– Un nouveau rapport du World Ressources Institute conclut que les engagements actuels des États conduiraient à une réduction de seulement 7% des émissions de GES d’ici 2030, en comparaison des 43% de l’objectif visé.
– Selon la plus récente étude de Planète vivante du Fonds mondial pour la nature (WWF), la biodiversité planétaire a reculé de 70% entre 1970 et 2018 seulement.
– Le GEIC réitère que plus de 220 millions de réfugiés climatiques se chercheront un asile D’ICI 2050.
Mais bon, comme nos médias nous martèlent sans cesse avec ces infos catastrophes, on se sait déjà, bien entendu, au courant et paniqués d’autant.
Le spectacle des autres que l’on suppose en train de penser est encourageant.
– Pennac