CHRONIQUE – Survenait, ce week-end, une millième illustration d’abus policier québécois mettant en cause une personne racisée. Le degré tragico-absurde, en ce dernier cas, devait atteindre un néo-paroxysme.
Vêtus par Douchebags et fils, deux flics du SPVM – fins renards flairant l’arnaque – procèdent à l’arrestation, musclée, d’un Noir. Le motif? Il s’apprêtait, selon leur fine analyse, à voler un char. Le hic? Que c’était… son char.
Calîne de bine.
Mieux: réalisant la gaffe, donc, vivement le retrait des menottes. Surtout que le malheureux crie à la fois au racisme et, comble du comble, souffrir desdites menottes.
– Keveune?
– Koua?
– Sont où les clés?
– Les clés?
– Les clés des menottes, assetie, j’ai trouve pu!
– C’est pas toué qyéza?
– Tab…
Deux succulents candidats à votre prochain Dîner de cons, si jamais.
***
On pourrait en rire, en fait, si ce n’était pas si triste. Et si l’anecdote précédente en était une, justement.
Parce qu’une seule lecture des études et rapports de la Commission des droits de la personne confirment l’évidence: à l’instar de toutes autres démocraties occidentales, le Québec est lui aussi aux prises avec le racisme systémique.
La définition? Que le système produit, involontairement, des biais inconscients. Par exemple? Présumer, dans les urgences d’hôpitaux, que les Autochtones s’y présentant sont bien souvent intoxiqués, et leur prodiguer ainsi les «soins» afférents. Pensons Joyce.
Notamment sur ces bases, la Cour supérieure devait récemment interdire les arrestations automobiles arbitraires, i.e. sans soupçons. Pourquoi? Parce que justement, ces mêmes arrestations reposent sur le postulat, ô combien laid, du profilage racial.
Or, l’ineffable François Legault, toujours excité à l’idée de se faire le haut-parleur de ses chroniqueurs-fétiches, réitéra néanmoins, et donc à l’encontre des conclusions de la Cour, sa pleine confiance envers les policiers. Du racisme systémique au Québec? BEN VOYONS DONC.
Cette sortie, donc, au même moment ou presque où un livreur d’Amazon en Outaouais se faisait casser la gueule lors d’une livraison, ayant été confondu avec un braqueur de résidence.
Rappelons, aussi, l’affaire Camara.
Rappelons celle de Me Yeboah, intercepté arbitrairement et brutalisé par SIX flics du SPVM, devant sa fille adolescente. La raison? Il conduisait avec un faux permis. Question: et comment un policier peut-il savoir qu’un permis est invraisemblable sans… le voir? Seule sa carte du Barreau, trouvée par l’un des poulets-assailleurs par l’entremise d’une fouille illégale, en viendra à le faire relâcher.
Rappelons celle d’Eugene Atsu Anati, faussement accusé de vol qualifié après avoir demandé, à un comptoir de A&W, de… rajouter des frites à son trio. Une nuit au poste, d’autres à Bordeaux, malgré des témoignages contradictoires des deux employés, de l’absence d’arme et, surtout, de l’absence de… preuves vidéos. Après neuf mois d’accusation de mauvaise et indue forme par le DPCP, celui-ci en viendra à laisser tomber les chefs, faute de preuves.
Rappelons, enfin et surtout, que ces arrestations constituent des drames humains au sens fort. La fille de Yeboah, s’adressant à son père lors du retour à la maison, lui dit ceci: «Papa, est-ce que ça va être toujours comme ça, pour moi, au Québec?»
Question, enfin: pour chaque histoire scabreuse du genre, combien sont tues? Méconnues des médias et du public?
Autre question: avez-vous remarqué que seuls des Blancs nient, malgré l’ensemble des études et rapports, l’existence de l’évidence?
Encore récemment, Benoît Dutrizac lançait, à son micro: j’ai pensé à ça, pis le racisme systémique, je crois pas à ça.
Pis moi, Benoît, j’ai pensé à ceci: d’après moi, accoucher, ça fait pas mal.