Le défunt fondateur et PDG de QuadrigaCX a utilisé les fonds des clients de la cryptobourse canadienne pour investir à son compte sur d’autres plateformes d’échange, estime la firme de conseil Ernst & Young, contrôleur mandaté par la justice néo-écossaise, dans un rapport explosif de 70 pages rendu public ce mercredi.
«L’infrastructure de Quadriga a été significativement affaiblie tant du point de vue de la divulgation financière que du contrôle opérationnel. Les activités étaient largement gérées par une seule personne, M. Cotten», notent les avocats d’EY.
L’analyse d’EY met en lumière le transfert de millions de dollars de cryptos provenant des comptes clients de Quadriga sur des comptes tiers vraisemblablement détenus par Gerald Cotten, en vue de couvrir ses dépenses personnelles : un bateau, un avion, des voitures de luxe… Autrement dit, le jeune patron aurait volé plus de 200 millions $.
Les frais de transactions et les pertes essuyées par Cotten auraient alors «irrémédiablement affecté les réservers de cryptomonnaies de Quadriga», poursuivent les rapporteurs.
Entre 2016 et la fin de 2018, le PDG aurait ainsi détourné l’équivalent au prix du marché actuel de 88 millions $ en bitcoins, 105 millions $ en ethers et 33 millions en litecoin.
Cotten aurait même créé de faux comptes sur Quadriga, les aurait crédités de montants artificiels et les aurait employé pour transiger avec d’autres clients.
Le rapport d’EY épingle d’ailleurs une gestion chaotique généralisée truffée de mauvaises pratiques, en termes de comptabilité notamment. Par exemple, la direction de Quadriga ne tenait pas ni registre administratif ni livre comptable dignes de ce nom, ou ne disposait pas non plus de plan de crise en cas de perte de fonds.
L’entreprise n’avait aucune visibilité sur sa rentabilité, ne séparait pas les tâches et contrôles internes de base, ni ne distinguait les actifs de Quadriga des fonds d’utilisateurs. Et la direction n’a donc certainement pas mis en place les mesures de protection adéquates.
Aucun serveur informatique physique de Quadriga ne contenait de documentation des activités, les relations commerciales étant menées sur des services de communication cryptés.
Difficile à ce stade de l’enquête de ne pas y voir un cas de fraude délibérée.
Créée en 2014, QuadrigaCX avait pour ambition de devenir la première Bourse de cryptomonnaies au monde, cotée, régulée et dominante.
À l’époque, la cryptobourse canadienne collaborait non seulement étroitement avec les différents gendarmes financiers du pays (Canafe, etc.), mais bénéficiait aussi des conseils de quatre cabinets juridiques distincts, employait un comptable agréé responsable des états financiers, recourait à un auditeur indépendant et disposait même d’une assurance pour ses systèmes de stockage à froid de cryptoactifs.
Mais un jour, Gerald Cotten n’a plus voulu faire de Quadriga une société cotée et a soudainement licencié ceux étaient «les représentants de l’ordre» et a ainsi géré l’échange «comme s’il n’y avait pas d’investisseur, d’actionnaire, de régulateur et de loi», avait affirmé Christine Duhaime, avocate vancouvéroise spécialisée dans la criminalité financière qui fut chargée pendant seulement 6 mois des aspects réglementaires de Quadriga.
L’entreprise vancouvéroise déchue avait pour habitude de se présenter comme l’une des plus grandes cryptobourses du Canada, forte de 360.000 membres inscrits. Mais, abstraction faite des volumes de transactions, «Quadriga n’était en fait qu’une petite exploitation», tranche la firme de conseil Ernst & Young.
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