Facebook fait fi des critiques et confirme qu’il ne censurera que très exceptionnellement les publicités politiques, même mensongères. L’entreprise estime qu’il revient au public de faire le tri. Elle s’attire ainsi une nouvelle salve de condamnations en plein dans la campagne présidentielle américaine.
«Nous basons nos principes sur le fait que les gens puissent entendre ceux qui ont vocation à les diriger, le bon grain comme l’ivraie, et que ce qu’ils ont à dire soit passé au crible et débattu en public», a écrit jeudi dans un billet de blog le directeur produits de Facebook, Rob Leathern.
Ainsi, le réseau reste droit dans ses bottes. Et ce, malgré d’intenses critiques et le risque de désinformation à grande échelle en plein dans la campagne présidentielle américaine.
«Dans une démocratie je pense que c’est aux gens de décider ce qui est crédible. Pas aux entreprises de la tech», avait affirmé en octobre le fondateur de Facebook, Mark Zuckerberg. Il prévoyait toutefois quelques exceptions, comme en cas d’incitation à la violence.
MM. Leathern et Zuckerberg insistent tous les deux sur le fait qu’à leurs yeux ce n’est pas à une compagnie privée de prendre la décision de censurer tel ou tel politicien. Ils préfèrent appeler «à une réglementation qui s’applique à tout le secteur».
Facebook tire l’essentiel de ses revenus et de ses immenses bénéfices de sa capacité à cibler de manière extrêmement précise une audience donnée. Ce qui conduit les politiques candidats à la présidentielle américaine à dépenser d’importantes sommes sur le réseau. À commencer par le président Donald Trump.
À l’automne, Facebook avait ainsi permis la diffusion d’une publicité politique de sa campagne de réélection. Elle contenait des fausses informations sur un rival démocrate, Joe Biden.
La décision avait provoqué un tollé. Une autre candidate démocrate, Elizabeth Warren, avait acheté une publicité sur Facebook où elle affirmait que Mark Zuckerberg et le réseau social soutenaient la réélection de Donald Trump.
Lundi, le président américain a affirmé que Mark Zuckerberg l’avait félicité pour sa présence sur le célèbre réseau social à l’occasion d’un dîner en octobre, qui avait fait couler de l’encre.
«Payer de la désinformation»
Les candidats dans la course à la Maison Blanche n’ont pas tardé à réagir. L’ex-vice président Joe Biden a raillé Facebook. Selon lui, le site «continue de faire passer ses profits avant la vérité – permettant à des politiciens comme Donald Trump de dépenser un montant d’argent inimaginable pour payer de la désinformation».
Pour la sénatrice Elizabeth Warren, «Facebook a besoin d’une réelle concurrence. Il devrait rendre des comptes pour que notre démocratie ne soit pas prise en otage par leur désir de gagner de l’argent».
«C’est mal de gagner de l’argent avec une campagne politique en propageant des mensonges flagrants au peuple américain», a dénoncé la sénatrice du Minnesota Amy Klobuchar.
L’ancien élu du Congrès John Delaney a, lui, appelé à «des lois fédérales sur la protection des données et à une réglementation» venue de Washington.
Facebook est particulièrement sur la sellette à l’approche de l’élection présidentielle de 2020 après le scandale Cambridge Analytica. Cette société britannique avait utilisé leurs données personnelles à l’insu de dizaines de millions d’usagers de Facebook pour influer sur l’issue du vote en 2016, en faveur de Donald Trump.
À cela se sont ajoutées les révélations sur les campagnes de désinformation en ligne menées par une officine russe proche du Kremlin, pour aider la candidature du milliardaire républicain.
Facebook avait été particulièrement lent à admettre la portée de l’intervention.
Twitter a décidé pour sa part de bannir les publicités politiques du réseau. Google a adopté une position intermédiaire en annonçant fin novembre un durcissement de ses règles en matière de publicités politiques. L’entreprise refuse de «statuer» sur leur véracité sauf cas exceptionnels.