L’annulation du salon mondial des télécoms (MWC) de Barcelone sur fond de craintes liées au coronavirus vient compliquer l’activité des entreprises du secteur, habituées à profiter de cette grand-messe pour nouer des contacts ou finaliser des partenariats.
Une annulation handicapante pour le secteur?
À la différence du CES de Las Vegas, qui s’adresse au grand public, le MWC de Barcelone est avant tout un salon professionnel, organisé par l’association mondiale des opérateurs télécoms (GSMA), qui en profitent pour se retrouver.
Pour l’industrie, équipementiers, entreprises de cybersécurité ou fabricants de smartphones, c’est également l’occasion de présenter leurs nouveaux produits et d’annoncer de juteux contrats, des annonces qui seront simplement décalées, prévoit Stéphane Dubreuil, expert du secteur.
«Si on peut y annoncer des jolies signatures, les négociations ne se jouent pas pendant le salon», confirme Sylvain Chevallier, associé chez BearingPoint.
Signe de ces alternatives, le directeur financier d’Orange Ramon Fernandez, a dit lors de la présentation des résultats du groupe que leurs partenaires proposaient d’ores et déjà de venir à Paris pour assurer les rencontres prévues initialement pendant le Congrès.
«Le MWC reste le temps fort de l’année, il est un peu tôt pour dire ce que l’on va faire. Nous allons sans doute faire voyager dans différents pays les démos que nous aurions dû y présenter. Notre plan de communication reste, lui, inchangé», détaille Corinne Muller, directrice de la communication pour Ericsson France.
Occasion manquée pour les équipementiers?
Dresser un pavillon au MWC coûte cher: autour de 1000 euros (1500 dollars) le mètre carré auquel il faut ajouter le déplacement des équipes et le montage du pavillon, qui se dresse souvent sur deux étages, la facture peut être salée. Le chinois Huawei installe ainsi chaque année un pavillon de 1600 m² et fait venir 1000 à 1500 personnes de ses filiales européennes et de son siège à Shenzhen en Chine.
Un investissement qui n’est pas sans raison: pour le leader de la 5G, au cœur des tensions entre Pékin et Washington, le MWC «était l’occasion de rassurer tout le monde» selon M. Dubreuil, alors que la question de l’utilisation de ses équipements dans les réseaux européens n’est pas tranchée.
Interrogée par l’AFP, la firme a répondu qu’il était trop tôt pour connaître les conséquences économiques de l’annulation du salon.
Pour le sud-coréen Samsung, le MWC était l’occasion de montrer sa nouvelle gamme Galaxy S ainsi que son dernier téléphone pliant, présenté quelques jours plus tôt à San Francisco.
«C’était aussi l’occasion pour eux de montrer toute une gamme d’équipements 5G», ajoute Stéphane Dubreuil, «ils ont racheté en janvier TeleWorld Solutions (TWS) pour mieux se positionner comme une option alternative à Huawei. Ils viennent de signer des contrats aux États-Unis. Pour eux, le salon barcelonais était vraiment essentiel».
Un coup plus rude pour les petits acteurs?
Mais les grands perdants sont les petits exposants, plus de 2000 installés à l’ombre des grands pavillons, parfois venus en délégation nationale, et qui profitent du MWC pour présenter leurs solutions aux groupes mondiaux.
«L’impact peut être considérable pour cas petits exposants qui viennent présenter des logiciels ou des matériels innovants», de la cybersécurité aux logiciels de gestion du réseau en passant par des petits fabricants de smartphone sous marque blanche, explique M. Chevallier.
«On avait investi beaucoup d’heures et d’ingénierie pour mettre en place des démonstrations de nos solutions. C’est beaucoup de travail en amont et de rendez-vous annulés», confirme Hatem Oueslati, fondateur d’une start-up développant des logiciels pour objets connectés.
«Heureusement, en tant que start-up, on s’était débrouillés pour avoir des invitations et pour exposer sur les stands de nos partenaires, notre investissement financier était relativement limité», ajoute-t-il.
Des conséquences sur les déploiements 5G?
Si le MWC n’est pas un accélérateur de la 5G, son annulation peut être vue comme «un symbole» estime Victor Marçais, associé chez Roland Berger, dans un contexte de vives tensions autour de l’utilisation ou non d’équipements chinois dans les réseaux 5G.
«Le sommet est un peu le signe de l’unité mondiale du secteur, il est annulé au moment où les tensions entre Chinois et Américains sont les plus fortes. Cela peut illustrer la fragmentation latente de cette industrie», estime-t-il.
À demi-mot, des acteurs du secteur se demandaient si certaines entreprises ne profitaient pas de l’occasion du coronavirus pour masquer d’autres raisons moins avouables de ne pas se présenter au MWC.
«La 5G est une révolution, ça ne va pas s’arrêter sur un salon. On a privilégié l’humain au business, c’est peut-être ce qu’il faut retenir», croit pour sa part M. Oueslati.