CHRONIQUE – Nous sommes donc à mi-chemin dans le Mois de l’Histoire des Noirs. Nous sommes également en plein dans la Décennie internationale des personnes d’ascendance africaine (2015-2024) décrétée par les Nations unies.
Célébrer, reconnaître et valoriser la contribution, l’apport et l’héritage, tant historique que contemporain, des personnes noires à nos sociétés est plus que nécessaire. Il importe de démontrer la grande diversité de réussites pour les générations actuelles et celles du futur.
C’est aussi une manière de prendre conscience du fait que nous sommes toujours liés aux luttes de celles et ceux qui nous ont précédés, même si nous pouvons, certes, être pionniers dans certains domaines. Toutefois, il importe de déconstruire cette notion d’excellence dont la définition s’avère, à mon sens, trop restreinte.
La réussite ne protège pas de la discrimination
Le mois dernier, le documentaire Noirs en France, de la réalisatrice Aurélia Perreau et l’écrivain Alain Mabanckou, qui donne la parole à des personnes noires françaises de tout horizon a fait beaucoup jaser. Les exemples et réflexions qu’on y trouve ne s’appliquent pas qu’au contexte français. Pour ma part, c’est l’histoire de l’injustice vécue par la patineuse française Surya Bonaly aux Championnats du monde de patinage artistique de 1994 qui m’a émue aux larmes.
À petite ou grande échelle, combien d’entre nous ne sommes pas traités à notre juste valeur, même lorsque nos qualifications, notre parcours et notre travail parlent objectivement pour eux-mêmes? Quand l’un ou l’une d’entre nous réussit, ce n’est pas seulement une affaire individuelle. Bien malgré soi, à tort ou à raison, c’est une communauté que l’on emmène avec soi, avec tout le poids et la richesse qu’implique la représentation.
Par exemple, plusieurs personnes se sont réjouies – avec raison – de la réussite de la patineuse Erin Jackson, qui est devenue la première patineuse noire à remporter l’or au patinage de vitesse aux Jeux olympiques de Beijing. Ainsi, elle est devenue un modèle pour plusieurs.
Toutefois, ce que Noirs en France démontre, c’est que même aux plus hauts sommets, le racisme et la misogynie demeurent présents.
Pour une vision non élitiste de l’excellence
L’excellence, ce n’est pas qu’une affaire de diplômes, de trophées, de richesse, de notoriété ou de tapis rouges. Par exemple, les mères monoparentales qui élèvent leurs enfants avec brio méritent tout autant admiration, respect et dignité que des personnalités publiques ou des vedettes. Ces femmes n’ont pas «raté» leurs vies parce qu’elles ne cadrent pas dans cette conception élitiste de ce qu’est l’excellence noire. Pourtant, c’est le message qui est parfois insidieusement envoyé aux personnes qui n’ont pas eu accès aux mêmes ressources et privilèges qui auraient pu leur permettre de développer leurs talents aux plus hauts niveaux.
En somme, il faut se méfier des modèles uniques et des carcans dans lesquels on souhaite nous enfermer. L’excellence noire, c’est aussi accepter que chacun et chacune puisse avoir sa propre définition de celle-ci, et que l’ensemble de ces définitions soient valables et légitimes. Exister au quotidien, dans un monde qui est souvent hostile et défavorable à notre présence, constitue déjà une réussite digne de mention.