Débats

L’Impact et le blues des 25 ans

Je l’ai déjà écrit dans ces pages. Je l’ai souvent répété sur chacune des tribunes que j’ai le privilège d’avoir à ma disposition: sans la passion de la famille Saputo, particulièrement celle de Joey, il serait très improbable que Montréal ait aujourd’hui son club de Major League Soccer.

Un club fonctionnant à perte depuis ses tout débuts, il y a maintenant 25 ans – lundi prochain, pour être parfaitement exact –, ne l’oublions pas.

Quand, au lendemain d’une performance honteuse, comme ç’a été le cas le week-end dernier, les joueurs répètent les uns après les autres que Joey Saputo est dans son droit le plus absolu de descendre dans le vestiaire leur faire part de son mécontentement, ils ont tout à fait raison: avec ce début de saison désastreux (3-8-0), il est vrai que l’heure doit être à l’introspection et à l’autocritique, autant du côté des joueurs que de celui du staff technique.

Ceci étant dit, alors que la tempête s’abat (encore) sur son club, il serait peut-être avisé de la part du président d’en faire tout autant.

Le style de management de la maison, cette culture d’entreprise qu’on pourrait presque qualifier de familiale et de plutôt conservatrice, contraste on ne peut plus avec ce qui se fait de mieux dans cette MLS bourgeonnante, où les success stories – sportives et d’affaires – se multiplient depuis quelques années.

Marketing novateur et frondeur, qui allume le public cible de la ligue – les fameux «18-34» –, produit sexy sur le terrain, résultat d’investissements substantiels dans le recrutement, certes, mais surtout dans le dépistage exhaustif de talents (en Amérique du Nord et à l’échelle internationale), ce qui permet de réduire la marge d’erreur et, indirectement, les dollars perdus… Voilà le nerf de la guerre dans la MLS 2.0, où la parité est en voie de se dissoudre rapidement, du moins pour ceux qui n’auront pas suivi le cortège!

En 2014, l’Impact semblait pourtant sur la bonne voie: dans la foulée de l’annonce de la construction de son superbe centre d’entraînement et de l’implantation d’une équipe réserve en USL (le défunt FC Montréal, sacrifié depuis sur l’autel de la rentabilité), Joey Saputo s’entourait de trois vice-présidents chevronnés (aux revenus, à la stratégie et au marketing). On croyait alors l’ère de la microgestion révolue.

Le constat, trois ans et demi plus tard, est cependant tout autre, alors que le poste de VP marketing a carrément été aboli au début de 2017 et que le recrutement international se fait encore systématiquement par des agents et des intermédiaires. À cet effet, Nick de Santis et, dans une moindre mesure, Adam Braz sont les boucs émissaires de choix des amateurs lorsque les choses tournent au vinaigre, mais en l’absence d’une structure de dépistage interne, je m’abstiendrais de leur jeter la première pierre.

L’embauche de Rémi Garde et de son équipe constitue à mon sens un coup de maître de la part de Joey Saputo. Cependant, pour tirer pleinement profit de l’avantage compétitif que peut offrir une équipe technique de cette qualité, la structure institutionnelle se doit de suivre. En ce sens, je crois que l’Impact aurait tout intérêt à se doter d’un numéro deux, une sorte de VP football, avec tout le pouvoir décisionnel qu’un tel poste implique.

Parallèlement, il faudrait non seulement réinvestir de manière substantielle dans un service marketing digne d’un circuit du Big-Five nord-américain, mais surtout donner à une telle équipe les moyens et la liberté nécessaires afin d’insuffler au Bleu-blanc-noir ce proverbial cool-factor dont il n’a jamais su se draper depuis son entrée en MLS. La rentabilité passe aussi (beaucoup!) par là…

Un tel exercice de laisser-aller doit s’avérer extrêmement difficile à accomplir pour un grand passionné comme Joey Saputo, mais il est absolument nécessaire afin que son club, ce bébé devenu aujourd’hui adulte, surmonte ce blues du quart de siècle et puisse enfin s’épanouir dans un circuit de plus en plus compétitif.

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