Salut Didier,
En tant que journaliste, j’ai eu le plaisir de couvrir ton court séjour à Montréal. Depuis ton arrivée à Dorval, digne des belles années de la Beatlemania, jusqu’à ce que tu mettes la machine en marche quelques semaines plus tard, faisant vibrer cette ville, de plus en plus footeuse, au rythme de tes exploits et de ton coupé-décalé.
Aujourd’hui cependant, c’est en tant qu’amoureux du ballon que je t’écris (que mes patrons me pardonnent), simplement pour te demander de ne pas troquer tes crampons pour un sifflet ou une quelconque job de l’autre côté des lignes de touche. Du moins pas en 2016, année au cours de laquelle le destin a tout mis en place pour que tu cristallises ta légende de ce côté de l’Atlantique. Travail que tu as d’ailleurs fort bien amorcé en 2015.
Ne nous prive pas de cette joie et, surtout, ne te prive pas d’ajouter ces gallons à ton parcours déjà remarquable. Je t’imagine déjà, dans cinq ou six mois, t’ennuyer de rendre dingues les défenses adverses, de glisser à genoux vers une foule à tes pieds, enivrée par un autre de tes tours de magie.
Sachant fort bien qu’il reste tant de bon foot dans ces jambes, c’est une vision d’une tristesse inouïe.
Je sais que, dans le monde du foot, à part peut-être Pep Guardiola, personne ne refuse de traverser les ponts d’or menant à Stamford Bridge que construit Roman Abramovich. Reste que, s’il y a bien quelqu’un qui peut se permettre de le faire sans craindre de tomber dans ses mauvaises grâces, c’est bien toi, Didier. Les portes de Chelsea te seront toujours ouvertes, nul besoin de hâter l’inévitable, surtout pas si cela implique de tirer un trait sur ta carrière de joueur.
Lors du post-mortem de l’Impact, en novembre dernier, je t’ai posé une dernière question avant que tu ne tombes officiellement en vacances. En gros, je te demandais si tu envisageais d’étirer ta carrière au-delà de 2016, advenant une qualification en Ligue des champions. «Ça fait partie des trophées que je n’ai pas encore gagnés. Pourquoi pas? Ce serait un beau challenge», que tu m’as répondu, petit sourire en coin.
Une réponse digne d’un homme qui a encore faim. D’un joueur qui n’a pas fini d’écrire son histoire. Pas celle d’un entraîneur en devenir. Surtout pas celle d’un «ambassadeur», appointé en vitesse pour secourir un géant en crise. À peine deux mois plus tard, j’ai beaucoup de difficulté à concevoir que ce soit peut-être la dernière déclaration que tu nous auras faite avant d’accrocher tes crampons.
Peu de perspectives sont aussi navrantes que celle d’un chef-d’œuvre inachevé, Didier, surtout lorsqu’on sait à quel point l’artiste est en possession de ses moyens.
En espérant te revoir sur le terrain très bientôt!