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Les murs ont la parole

Photo: Yves Provencher/Métro

Freinés par leur caractère éphémère et leur mauvaise image, les murales et les graffitis peinent à trouver la place qu’ils méritent dans le paysage montréalais. États des lieux d’un art en voie de reconnaissance.

Place Paul-Émile Borduas
Avant, cette petite ruelle du Quartier Latin, proche du McDo, faisait pitié. Depuis que l’organisme à but non lucratif (OBNL) Mu y a peint, des deux côtés, une énorme murale en hommage à l’artiste Paul-Émile Borduas, l’endroit revit.

«Ils ont créé la murale parce qu’ils voulaient laisser une trace visuelle et historique pour souligner les 60 ans du Refus Global», raconte l’urbaniste Marie-Dominique Lahaise, qui organise des visites guidées sur la place des murales et des graffitis pour le compte de l’organisme L’Autre Montréal.

Au terme de la création de la murale, le pub L’Île Noire y a installé sa terrasse et l’arrondissement (en plus de contribuer financièrement), a verdi l’endroit, qui est désormais un bel exemple de réappropriation de l’espace public.

Les deux murales n’ont coûté que 50 000$, un coût relativement minime à l’échelon municipal, mais qui a fait la différence.

Habitations Jean-Mance
Après les quatre murales ayant pour thème les saisons, les HLM du centre-ville auront bientôt droit à une série sur les trois éléments (l’eau l’air, le feu).

Initié dans le cadre des travaux de réhabilitation lancés pour les 50 ans du quartier, ce projet de murales offre des possibilités d’apprentissage aux jeunes du quartier qui sont mis à contribution

Les habitants du quartier ont aussi eu leur mot à dire quant aux choix artistiques, même si cela n’a pas été de tout repos. Certains auraient en effet préféré un style plus audacieux.

Derrière Les Foufounes électriques
Le secteur est symbolique des tiraillements que connaît le mouvement des murales.

Dans la ruelle derrière les Foufounes, les murs sont couverts de graffitis réalisés dans le cadre du festival Under Pressure. À deux pas de là, trônent deux murales commandées par la Ville et par la mosquée.

Deux visions du graffiti s’affrontent. En effet, si certains graffiteurs ont décidé de vivre de leur art et d’accepter des contrats institutionnels, d’autres croient que le graffiti doit rester souterrain et sans compromis.

«Les deux fresques sont signées, en bas, par les artistes. Mais ils ont aussi subtilement ajouté leurs noms de graffiteurs dans les murales. À vous de les trouver», indique Mme Lahaise, un sourire en coin.

Que font les élus?

Au niveau municipal, le Ville a réservé une partie de son budget de nettoyage des graffitis et à la réalisation de murales, histoire de faire un peu de sensibilisation. Mais elle ne considère pas les murales comme de l’art public à cause, notamment de leur caractère éphémère. Cela limite les possibilités de subventions, note Élizabeth-Ann Doyle, cofondatrice de l’organisme Mu, qui a réalisé une quarantaine de murales à Montréal.

Même constat au niveau provincial, où le 1% dédié à l’art dans les grands projets de construction est fermé aux graffiteurs.

«Il faut notamment être considéré comme un artiste professionnel, c’est-à-dire avoir étudié en art et avoir diffusé dans des lieux officiels comme les galeries ou les musées», ajoute Mme Doyle. Autant dire que ce n’est pas demain qu’un graffiteur réalisera une murale dans un édifice provincial.

Si la cofondatrice de Mu note que les subventions municipales représentent 25% de son budget, elle aimerait que les arrondissements aient un programme de réalisation de murales à moyen terme, comme le font déjà Verdun, Ville-Marie, Villeray–Saint-Michel–Parc-Extension et le Sud-Ouest.

«Les murales c’est bien, mais il faudra aussi laisser de la place à Montréal pour que les graffiteurs puissent s’exprimmer», pense Huguette Roy, élue de Vision Montréal dans le Sud-Ouest. Elle aimerait que la ville s’inspire de villes comme Gatineau, qui a établi une liste comprenant une cinquantaine de murs et de tunnels où les graffitis sont autorisés.

 Les murales à Montréal

  • La plus ancienne: Cette murale (ci-dessus) de Jacques Sabourin, rue Président Kennedy date du début des années 70. Qui a dit que l’art mural était un art éphémère?!

  • La plus grande: Probablement cette murale de la rue Laurier (ci-dessus), marquant les 50 ans de l’école de Théâtre.

  • La plus féminine: Cent motifs, un paysage, d’Annie Hamel (ci-dessus). Commandée pour marquer les 100 ans du quartier Parc-Extension, c’est l’une des rares murales montréalaises réalisée par une femme.

À suivre!
La prochaine conférence de la Peau sur les murs: murales et graffitis se tiendra  le dimanche 16 septembre.
À lire!

Montréal Art de la rue. Auteur, Luc Cloutier-Villeneuve

http://www.blurb.com/bookstore/detail/3245417

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