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La candidate à l’investiture de QS, Eve Torres, ne veut pas être «le porte-étendard de la question religieuse»

Eve Torres Photo: Collaboration spéciale

La Néo-Québécoise musulmane et féministe, Eve Torres, se lance dans l’arène politique. Elle sera candidate à l’investiture de Québec solidaire le 26 mai prochain dans la nouvelle circonscription de Mont-Royal–Outremont. Si elle l’emporte, elle deviendra la première femme voilée à être candidate à une élection provinciale au Québec. «[Les femmes musulmanes] ont fait l’objet de débats sur la scène politique depuis des années. Cette fois-ci, je prends les devants», lance, frondeuse, celle qui veut démontrer qu’elle représente plus qu’un morceau de tissu.

Qu’est-ce qui vous a poussé à sauter dans l’arène politique?
J’inscris cela dans mon parcours d’implication sociale et citoyenne. Ça fait plus de 16 ans que je m’implique dans plusieurs projets. J’ai toujours porté, en public et en privé, des regards très critiques sur les politiques. Après toutes ces années, j’en étais arrivée à la conclusion que tout le travail que des militants font bénévolement pour créer ce tissu social, ça ne suffisait pas. Pour moi, c’est clair: ça prend des changements politiques importants. Durant la dernière année, je réfléchissais sur comment je peux contribuer à porter ces préoccupations citoyennes. Aller dans la sphère politique serait quelque chose qui me permettrait d’apporter mes connaissances et ma vision. Et je suis une personne de justice sociale et de gauche depuis longtemps, depuis toujours. Québec solidaire était le seul véhicule possible. C’est le parti auquel je crois.

Avez-vous été sollicitée par d’autres partis?
Non. Pas du tout. C’est un choix personnel que je fais. Je n’ai jamais été sollicitée par d’autres partis. De toute façon, on connaît la position de plusieurs partis.

«La candidature que je représente n’est pas forcément attirante.» –Eve Torres, candidate à l’investiture de Québec solidaire dans Mont-Royal–Outremont

Pensez-vous avoir des chances de remporter l’investiture?
Oui. Je suis là pour ça! J’ai choisi Mont-Royal–Outremont parce que c’est là que j’ai commencé ma vie au Québec. Ça va faire bientôt vingt ans que je suis au Québec. Je suis arrivée en 1999 comme étudiante à l’Université de Montréal. C’est un genre de retour aux sources. En même temps, je m’y suis beaucoup impliquée. Et j’aime travailler avec une grande diversité de gens. Mont-Royal-Outremont est le parfait reflet de cette diversité qui me passionne.

Si vous remportez l’investiture, vous allez être la première femme musulmane portant le voile à être candidate aux élections provinciales. Craignez-vous que votre voile prenne trop de place dans le débat?
C’est déjà ce qui est en train de se passer. Ça fait des années que ce foulard est utilisé à des fins politiques. Par mon implication, dans un sens, ce que je dis aussi, c’est que [les femmes musulmanes] ont fait l’objet de débats sur la scène politique depuis des années. Cette fois-ci, je prends les devants. Effectivement, [mon voile] va être utilisé. Mon objectif, c’est de détourner cela. Je ne cesserai de le dire: je ne serai pas le porte-étendard de la question religieuse. On a déjà fait ces débats. On a polarisé ce débat depuis plus d’une dizaine d’années. Aujourd’hui, mon message, c’est qu’on a d’autres préoccupations. Nous sommes des citoyens impliqués sur de nombreuses questions. Nous avons les mêmes préoccupations de tout le monde: éducation, santé, travail.

Ne voulez-vous pas aussi rectifier certains faits et amener un autre ton au débat public?
Oui. Françoise David ou Manon Massé, ce sont des femmes que je trouve inspirantes et qui, justement, ont su imposer un autre ton. J’espère amener ça aussi. Je n’ai jamais refusé les discussions. Ça fait des années que je rencontre du monde et qu’on parle. En politique, si on est vraiment honnête et qu’on se soucie des gens, on est capable d’amener les discussions ailleurs. C’est vraiment mon souci. Je suis convaincue qu’avec Québec solidaire, on a la capacité de le faire.

Lorsque nous nous sommes parlés l’an passé, au lendemain de l’attentat de Québec, vous aviez dit que la classe politique banalisait le racisme à l’endroit des musulmans. Votre engagement politique, est-ce votre solution à ce problème?
Oui. J’ai porté ce regard critique et je le porte encore. Je crois qu’on peut faire de la politique autrement. J’en suis convaincue. J’aspire à faire comprendre qu’on est des citoyens à part entière de la société. Après l’attentat, on avait la sensation qu’il y avait des gentils musulmans et qu’il y avait des gens qui faisaient des choses biens. On l’a redit au moment des commémorations. On a réentendu ces discours, mais ça reste des paroles et il y a très peu des actions. De par mon engagement, c’est ce que je veux dire, c’est qu’on doit amener les choses ailleurs et on est capable de le faire. Je pense que le Québec est prêt à cela.

Vous vous attendez de vous faire interpeller sur le vivre-ensemble si vous êtes candidate à la prochaine campagne électorale. Au cours de celle-ci, d’autres thèmes seront abordés, comme l’éducation, la santé, le transport, l’économie, etc. Avez-vous des idées que vous aimeriez promouvoir?
Je suis maman de trois enfants à des niveaux très différents. J’ai un fils qui va rentrer en maternelle. J’ai un fils en deuxième année du secondaire. Ma fille va bientôt finir le secondaire. L’accès à l’éducation de qualité pour tous, c’est quelque chose qui me tient particulièrement à cœur. On le voit à Montréal, il y a une grande diversité de la population et de catégories sociales. C’est flagrant. On voit cette différence dans des quartiers plus pauvres, le manque de ressources et les enseignants surchargés.

Tout ce qui concerne les milieux de garde et l’accès aux centres de la petite enfance, c’est quelque chose d’important pour les citoyens. L’accès à des soins de santé, ce sont également des choses qui préoccupent tout le monde. Les aînés, c’est aussi quelque chose qui me touche énormément.

Il y a un manque d’accès à la francisation. Ce n’est pas que les gens ne veulent pas apprendre le français, c’est qu’il manque de services.

Je pourrais aussi parler du financement des organismes en raison des inégalités. Il ne permet pas aux organismes d’offrir des services sur du long terme. En plus, on ne tient pas compte de leurs compétences.

Donc, au sein d’une équipe d’élus, vous pourriez être responsable de plusieurs dossiers…
Quand Québec solidaire a fait son lancement préélectoral avec sa nouvelle plateforme, il y a une femme qui m’a dit : «si vous êtes ministre, quel ministère vous aimeriez avoir?» J’ai ri et je lui ai répondu que deux me tiennent à cœur: la Condition féminine ainsi que la Famille et les Aînés. De par qui je suis, j’aurai toujours à cœur les gens en marge et ceux qui vivent de la discrimination puisque je connais bien ces enjeux.

 Qui est Eve Torres?

  • Mère de trois enfants
  • Originaire de France
  • Est coordonnatrice de l’organisme la Voie des femmes, qui encourage les femmes musulmanes à prendre part à la société québécoise
  • A fréquenté l’Université de Montréal et l’Université Laval en sciences humaines
  • A dirigé un service de garde
  • A travaillé comme assistante de recherche à la Commission des droits de la personnes et des droits de la jeunesse
  • A animé l’émission L’islam, les musulmans et moi sur les ondes de Radio Ville-Marie

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