Le village gai de Montréal forcé à se réinventer
MONTRÉAL — Les technologies ainsi que les nouveaux modes de vie des homosexuels forcent les commerces du village gai de Montréal à se réinventer pour redevenir attrayants auprès de leur clientèle, qui se sent de plus en plus à l’aise dans plusieurs quartiers de la ville.
Les commerçants croient que les sites Internet de rencontre expliquent en partie l’exode des homosexuels des bars et des boîtes de nuit. “Le facteur déterminant, c’est Internet. Avant 2005-2006, le seul endroit où les gais pouvaient se rencontrer, c’était dans des établissements pour les gais. Mais le paysage a changé”, a remarqué Yves Lafontaine, rédacteur en chef de Fugues – le plus grand magazine gai de langue française au Québec.
M. Lafontaine avance aussi que les jeunes hommes ou femmes gais ne se limitent plus à vivre ou à sortir dans le village gai parce qu’ils sont maintenant à l’aise partout dans la ville. Le quartier abrite donc une population plus diversifiée et les commerces du quartier dépendent de plus en plus du tourisme estival. Les effets s’en ressentent dans l’une des plus grandes boîtes de nuit gaie de Montréal, Sky.
Le propriétaire Peter Sergakis estime que le montant de ses ventes en hiver équivaut à la moitié de celles de l’été. “L’hiver, c’est catastrophique. Cet été, ça a été le pire et chaque hiver est pire que le précédent”, a-t-il regretté. M. Sergakis a indiqué que depuis 1999 – l’année où il acheté le Sky – son chiffre d’affaires a chuté considérablement.
L’homme d’affaires est reconnaissant envers la Ville qui a choisi de piétonniser la rue Sainte-Catherine pendant la saison estivale, ce qui permet aux commerces d’ouvrir leur terrasse pour les familles et les touristes gais. “Dieu merci, il y a l’été. (Les touristes gais) se rendent encore dans le village et amènent notre propre population gaie à y aller aussi”, a expliqué M. Sergakis.
Son concurrent Pascal Lefebvre de la boîte de nuit Apollon dit avoir enregistré une baisse de 15 pour cent des ventes au cours des dernières années. Jean-Marc Cardinal, propriétaire et barbier au Mohawk Barbier depuis 13 ans remarque lui aussi cet éparpillement des homosexuels à Montréal. Il a précisé que le village avait été plus populaire dans les années 1990, puisque les gais subissaient de la discrimination et du harcèlement dans les autres quartiers. Le village avait été créé en réaction à la fermeture de plusieurs bars et boîtes de nuit gais avant les Jeux olympiques de Montréal, en 1976.
Partout en Amérique du Nord, les villages gais ont souffert de leur propre succès alors que les quartiers de ce type se sont multipliés et se font concurrence. M. Cardinal croit que les gais restent, pour l’instant, la première clientèle du village, mais il croit que les commerces gagneraient à innover davantage. “Les homosexuels – tout comme les hétérosexuels – aiment la bonne nourriture, les bons magasins. Ça n’a pas besoin d’être trop gai – les gens ne veulent plus ça. Même dans les bars, c’est correct s’il y a 50 pour cent de gens hétérosexuels. C’est correct!” a-t-il souligné.