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Le fédéral abandonne État islamique, adopte Daesh

Mélanie Marquis, La Presse canadienne - La Presse Canadienne

OTTAWA — Le gouvernement fédéral emploiera dorénavant l’acronyme arabe Daesh pour désigner le groupe armé État islamique (ÉI).

Le ministre de la Sécurité publique, Ralph Goodale, a fait valoir dans l’avant-propos du rapport public de 2016 sur la menace terroriste pour le Canada qu’il s’agit d’une décision réfléchie.

«C’est une grave et triste réalité que des groupes terroristes, en particulier le soi-disant État islamique en Iraq et au Levant (EIIL), aient recours à la propagande extrémiste violente pour encourager des personnes à soutenir leur cause», a-t-il écrit.

«Ce groupe n’est ni islamique, ni un État, et sera donc appelé Daesh (son acronyme arabe) dans le présent rapport», a tranché M. Goodale. Son porte-parole, Scott Bardsley, a confirmé jeudi par courriel que ce terme serait désormais privilégié par l’ensemble du gouvernement.

Les combattants du groupe terroriste détestent profondément que l’on emploie ce terme pour désigner leur organisation, fait remarquer Jabeur Fathally, professeur en droit international à l’Université d’Ottawa.

«Ils n’aiment pas que les gens utilisent cet acronyme, parce que pour eux, c’est fondamental de prononcer le mot islamique. C’est leur appellation, c’est leur identité», explique-t-il en entrevue téléphonique.

«Les priver de cette appellation exacte, c’est comme les priver d’une légitimité, poursuit M. Fathally. C’est très important; nous sommes dans des discours de propagande et de (contre-propagande). Eux se légitimisent par l’État islamique, et nous, on veut les en priver.»

En choisissant d’employer ce terme, le Canada emboîte le pas à d’autres pays occidentaux comme les États-Unis, la France et la Grande-Bretagne — en janvier 2016, l’ex-premier ministre britannique David Cameron avait publiquement reproché à la BBC d’avoir utilisé la désignation État islamique.

«Je pense que ce matin, à travers le pays, les familles musulmanes ont dû se prendre la tête à deux mains, désespérées que vous ayez encore appelé (ce groupe) État islamique», avait-il regretté en entrevue avec le radiodiffuseur public britannique.

«Vous n’avez même pas dit ‘soi-disant État islamique’. C’est tellement important», avait enchaîné M. Cameron.

Sami Aoun, politologue spécialiste du Moyen-Orient, voit en cette logique occidentale d’ajuster le vocable une façon de «préserver la paix civile et l’harmonie dans des sociétés de plus en plus plurielles et multireligieuses».

«On préfère Daesh pour contourner l’appellation islamique, qui pourrait être offensante ou porter préjudice aux adeptes de cette religion qui ne se voient pas dans les paroles, les propos et les actions de Daesh», précise-t-il.

Voyageurs extrémistes et «djihad sexuel»

Le rapport rendu public jeudi par le ministère de la Sécurité publique fait le bilan des menaces terroristes auxquelles fait face le Canada.

On y annonce entre autres que le nombre de «voyageurs extrémistes canadiens» a augmenté de façon assez significative, passant de 130 personnes en 2014 à 180 personnes à la fin de l’année 2015.

«On croit que plus de la moitié se trouvent présentement en Turquie, en Iraq ou en Syrie», est-il spécifié dans le document.

Le ministère évalue que les femmes représentent maintenant «environ 20 pour cent» du nombre total de voyageurs extrémistes provenant du Canada.

«Le rôle des femmes qui voyagent en Syrie n’est pas toujours clair. L’hypothèse la plus commune est que celles-ci vont à l’étranger pour se marier avec des terroristes», peut-on lire dans le rapport.

«Ces femmes participent à ce que certains appellent le djihad sexuel. Elles sont là pour subvenir aux besoins sexuels des combattants. C’est une appellation très répandue dans le monde arabe», a exposé le professeur Fathally, spécialiste du Moyen-Orient.

Le rapport précise que «certaines peuvent occuper des rôles secondaires au sein des groupes terroristes alors que d’autres semblent s’entraîner et prendre part aux combats. Certaines ont également facilité le voyage d’autres femmes».

Niveau d’alerte

Dans ce document, le ministère signale par ailleurs que le niveau actuel de la menace terroriste au Canada est établi à modéré, et ce, depuis le mois d’octobre 2014.

Selon les informations fournies jeudi soir par le ministère de la Sécurité publique, le niveau a été revu à la hausse, de faible à modéré, le 17 octobre 2014, soit quelques jours avant les attentats terroristes de Saint-Jean-sur-Richelieu et d’Ottawa.

Le 20 octobre, un sympathisant de Daesh, Martin Couture-Rouleau, a délibérément fauché avec une voiture l’adjudant Patrice Vincent, qui a succombé à ses blessures. Le 22 octobre, dans la capitale fédérale, le caporal Nathan Cirillo a été froidement abattu par un autre jeune homme radicalisé, Michael Zehaf-Bibeau.

L’échelle de menace terroriste du gouvernement canadien compte cinq niveaux de probabilité d’un attentat terroriste violent: très faible (très peu probable), faible (possible, mais peu probable), modéré (pourrait survenir), élevé (va probablement survenir) et critique (très probable et pourrait être imminent).

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