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Un avis juridique donne raison à Kevin Page

Stéphanie Marin - La Presse Canadienne

OTTAWA – Excédé par le refus de plusieurs ministères de l’informer sur les coupes du dernier budget fédéral, le Directeur parlementaire du budget affirme qu’il ira devant les tribunaux si c’est le seul moyen d’obtenir ce dont il a besoin.

Kevin Page a aussi fait parvenir au gouvernement un avis juridique pour lui souligner ses obligations légales.

Le Directeur parlementaire du budget (DPB) veut obtenir le détail des compressions budgétaires — pertes d’emplois et abolition de services aux citoyens — pour que les députés et les Canadiens sachent à quoi s’en tenir concernant le budget 2012.

«Ce n’est pas possible maintenant pour les parlementaires de rendre des comptes, à un niveau approprié, sans l’information», a-t-il expliqué en entrevue à La Presse Canadienne pour justifier ses démarches.

Et pour arriver à ses fins, il cherche à augmenter la pression sur le gouvernement.

L’avis juridique commandé conclut que 64 ministères et agences du gouvernement fédéral agissent illégalement en retenant l’information qu’il réclame. Seulement 18 des ministères et agences approchés lui ont fourni les précisions réclamées.

Le dernier budget fédéral, dont la loi de mise en oeuvre devait être adoptée lundi soir, retranche 5,2 milliards $ dans les dépenses du gouvernement. M. Page réclamait les détails de ces compressions budgétaires.

Dans son avis juridique, l’expert constitutionnel Joseph Magnet, professeur à l’Université d’Ottawa, conclut que les réfractaires violent la Loi sur le Parlement du Canada.

Depuis l’annonce des compressions budgétaires et des quelque 19 000 pertes d’emplois qui les accompagnent, le gouvernement fédéral a refusé d’être plus précis, prétextant les limites imposées par les conventions collectives. Les employés doivent être informés d’abord, soutient-il.

Ce refus a aussi été servi à M. Page le 15 mai dernier lorsque le greffier du Conseil privé lui a répondu au nom des administrateurs généraux des ministères restés silencieux jusque-là.

En Chambre lundi, questionné par l’opposition, le président du Conseil du trésor, Tony Clement, a eu la même réponse à répétition.

«Nous allons continuer à faire rapport au Parlement par les moyens normaux, y compris les budgets des dépenses, les rapports financiers trimestriels et les comptes publics», a-t-il assuré.

Pourtant, le poste de directeur parlementaire du budget a été créé par le Parlement justement dans ce but. Mais le gouvernement a déjà abondamment critiqué l’actuel directeur, alors qu’il blâmait le gouvernement pour son manque de transparence, notamment dans le dossier de l’achat des avions de chasse F-35.

M. Clement a refusé de commenter un éventuel recours légal contre le gouvernement, puisqu’il ne s’agit encore que de spéculations.

L’expert retenu par M. Page a examiné les trois conditions que le Directeur parlementaire du budget doit respecter lorsqu’il demande de l’information au gouvernement dans le but de faire une analyse indépendante de la gestion financière du pays.

«Puisque l’information demandée par le DPB constitue des données financières ou économiques qui sont nécessaires à l’exercice de son mandat et puisqu’il ne s’agit pas de renseignements personnels — dont la communication est restreinte par la Loi sur l’accès à l’information —, ni de renseignements figurant dans un document confidentiel du cabinet, les administrateurs généraux sont tenus de répondre à la demande du DPB», écrit Me Magnet.

Il s’agit, selon l’expert, d’une «obligation légale». De plus, la communication de l’information demandée doit se faire «en temps opportun».

Même si les autres ministères s’exécutent et transmettent les données, le Parlement n’aura pas l’information à temps pour voter sur le projet de loi C-38 de mise en oeuvre du budget.

«Les députés vont voter à l’aveuglette», a dénoncé le Nouveau Parti démocratique (NPD), par la bouche de la députée Peggy Nash.

Mais M. Page tente encore de convaincre le gouvernement et les différents ministères.

Il a fait parvenir l’opinion juridique lundi matin au greffier du Bureau du Conseil privé et attend maintenant sa réaction.

«L’étape légale est une dernière étape», souligne M. Page, ajoutant qu’il y aura recours «si nécessaire». Il y voit une «mesure d’exception».

Il s’agirait alors d’un recours devant la Cour fédérale, mais la nature de la procédure n’a pas encore été déterminée.

«S’il n’y a aucune réponse du gouvernement, aucune réponse des ministères, qui disent que la loi du Parlement n’est qu’un morceau de papier inutile, pas vraiment important, ce ne sera pas un choix pour nous, il sera important de continuer le processus légal», précise Kevin Page.

Il sait qu’une démarche devant les tribunaux comporte des risques.

«Certains diront que c’est choquant. Mais c’est choquant pour le gouvernement de ne pas donner l’information», avance-t-il.

L’opposition appuie les démarches de Kevin Page.

«En cachant cette information, les conservateurs violent sciemment la loi», a dit le chef du NPD, Thomas Mulcair.

«Pourquoi le premier ministre viole-t-il sa propre loi», a-t-il demandé aux Communes.

Le chef intérimaire du Parti libéral, Bob Rae, n’en revient pas.

«L’approche que le gouvernement prend est d’essayer de détruire a) sa réputation et b) sa capacité et son bureau. Ce n’est rien de moins que disgracieux», a-t-il dit.

«Ils (les conservateurs) ne veulent pas avoir des opinions qui sont différentes des opinions du gouvernement», a tranché M. Rae.

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