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La Cour se penche sur la légalité de la Loi 99

Pierre Saint-Arnaud, La Presse canadienne - La Presse Canadienne

MONTRÉAL — La Cour supérieure du Québec a ouvert lundi une page d’histoire en amorçant l’audition de la requête de l’ex-chef du défunt Parti Equality, Keith Henderson, qui conteste depuis 16 ans la Loi 99 adoptée par le gouvernement de Lucien Bouchard en guise de réplique à la «Loi sur la clarté» de Stéphane Dion.

La Loi 99, adoptée en 2000, affirme notamment l’existence juridique du peuple québécois et son droit à l’autodétermination.

Son objectif était de contrer l’obligation, pour le Québec, d’obtenir une «majorité claire» pour pouvoir déclarer son indépendance, une notion qui n’a jamais été définie, mais qui sous-tend une majorité plus importante que la règle normale du 50 pour cent plus un.

M. Henderson avait déposé sa requête en 2001, ce qui a provoqué au fil des ans de nombreux débats juridiques entourant la recevabilité de sa requête.

Le gouvernement de Stephen Harper avait demandé à la Cour, en 2013, d’invalider la Loi 99 en la déclarant inconstitutionnelle ou, à tout le moins, de la juger déclaratoire et, donc, sans effet. L’Assemblée nationale avait répliqué dans les mois suivants par une motion unanime dénonçant l’intervention fédérale et réitérant son appui à la loi.

L’ouverture de la cause, lundi, n’a toutefois donné lieu qu’à un débat de procédure entourant la recevabilité de certains documents ou arguments.

L’avocat représentant le gouvernement de Canada, Me Ian Demers, a par exemple demandé au tribunal de retirer tout argument relatif au droit international, faisant valoir que «le droit international ne fait pas partie du droit canadien tant et aussi longtemps que le Canada ne l’a pas intégré dans ses propres lois».

Le président de la Société Saint-Jean-Baptiste de Montréal (SSJB-M), Maxime Laporte, lui-même avocat, est venu défendre, au contraire, l’idée que «les traités internationaux ratifiés par le Canada lient le Canada» sur le plan juridique. L’objectif de la SSJB-M est d’invoquer les principes de droit internationaux qui reconnaissent le droit des peuples à l’autodétermination, et ce, dans le cadre de la règle universelle en démocratie de la majorité simple, soit 50 pour cent des voix plus un.

Me Laporte a également invoqué la nécessité de faire de «l’archéologie juridique» pour tenter d’établir une assise juridique historique au concept de peuple québécois dans l’histoire, remontant au rapport Durham de 1839 et même au-delà, jusqu’au «Bill of Rights» britannique de 1689.

Il a toutefois accepté que les références historiques et internationales sur lesquelles il entend s’appuyer ne soient utilisées qu’à titre de référence et non déposées au dossier comme pièces en preuve. La cause implique déjà une masse de documents fort imposante que la Cour supérieure a cherché d’emblée à ne pas engraisser.

Du côté des requérants, Me Stephen Scott a indiqué dans le cadre de ces débats procéduraux que son client contestait la notion d’un référendum ayant un résultat légal qui lierait tous les Québécois comme une seule entité.

S’il s’est dit prêt à reconnaître l’existence d’un peuple québécois sur le plan électoral ou en termes de population, Me Scott a dit qu’il fallait distinguer ce concept de celui d’un groupe «ethno-linguistique ayant un droit à l’auto-détermination».

«La Cour suprême a reconnu l’hétérogénéité de la population québécoise», a fait valoir le juriste.

Poussant la logique plus loin, Keith Henderson a soulevé les interrogations suivantes au sortir de l’audience: «Si le peuple québécois a le droit de tenir un référendum pour décider de son statut légal au Canada, les peuples autochtones peuvent-ils tenir un référendum et décider de leur statut légal au sein du Québec? Les résidants de l’Ouest de Montréal peuvent-ils prendre une décision différente en se basant sur le fait qu’ils se définissent comme Canadiens? C’est une nation, un peuple reconnu».

M. Henderson soutient que toute la question tourne autour du véritable détenteur du pouvoir au pays et sa prétention demeure la même depuis le début: le pouvoir décisionnel en la matière relève du Canada et de la Constitution, et la Loi 99, de ce fait, est inconstitutionnelle.

«La Cour suprême a dit que si on veut faire la séparation, c’est possible. On peut tenir un référendum au Québec et on peut gagner avec une majorité claire; après on peut entamer des négociations avec le gouvernement fédéral et après tout ça, il faut amender la Constitution canadienne pour permettre l’indépendance du Québec», a-t-il fait valoir.

«Ce n’est pas la législation du Québec qui a le mot final, c’est tout le processus légal du Canada», a-t-il soutenu.

M. Henderson est par ailleurs profondément choqué de la position du gouvernement du Québec dans ce dossier.

«Je vois une contradiction profonde entre la position fédéraliste du Parti libéral, du gouvernement libéral du Québec: Philippe Couillard dit qu’il est très fier d’être Canadien et fédéraliste, mais pourquoi trouve-t-il nécessaire de défendre une loi séparatiste adoptée par Lucien Bouchard pour contrer l’acte de clarté adopté par Ottawa?» a-t-il demandé, rappelant que le Parti libéral du Québec, qui était dans l’opposition à l’époque, avait voté contre la Loi 99.

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