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Des organismes soutenant la diversité sous-financés

A woman is focusing on her work outside the building Photo: Getty Images/iStockphoto

Taux de chômage endémique, surqualification et non-reconnaissance des acquis: les immigrants montréalais peinent à tailler leur place sur le marché du travail. Et le sous-financement gouvernemental des organismes se consacrant à la diversité culturelle et à l’intégration des nouveaux arrivants serait au cœur du problème, selon des organismes communautaires et culturels avec qui Métro s’est entretenu.

«Rien ne va dans le bon sens», lance le directeur général de Diversité artistique Montréal (DAM), Jérôme Pruneau. Son organisme, qui soutient les artistes issus de la diversité culturelle dans leur insertion professionnelle depuis plus de 10 ans, voit son financement stagner «depuis 3 ou 4 ans». Il soutient que les organismes qui prônent la diversité culturelle et l’inclusion représentent la principale référence pour les immigrants qui cherchent de l’aide. Pourtant, «je n’ai pas une cenne du MIDI [ministère de l’Immigration, de la Diversité et de l’Inclusion]», déplore-t-il.

Le directeur artistique de Montréal, arts interculturels (MAI), Michael Toppings, af­fir­me pour sa part que son organisme, fondé en 1999, «reste globalement sous-financé mal­gré la somme allouée par tous nos bailleurs de fonds aux niveaux municipal, provincial et fédéral». Il soutient sans équivoque que le sous-financement des organismes se consacrant aux immigrants nuit à l’intégration de ces derniers à la société québécoise. «Si nous ne sommes pas en mesure de mener à bien notre mandat, alors qui souffre? Les individus ou les communautés que nous devons aider. Et ça leur donne l’impression qu’ils n’existent pas», se désole-t-il.

Le Black Theatre Workshop, basé à Montréal, est la plus ancienne compagnie de théâtre noir anglophone du Canada. Pourtant, près de 50 ans après sa fondation, il ne possède toujours pas sa propre scène. «Nous n’aurions pas les moyens avec le financement que nous recevons», explique le directeur artistique, Quincy Armorer.

La compagnie de théâtre a néanmoins vu son financement de la part du Conseil des arts du Canada (CAC) augmenter dans les dernières années. «Ils ont réalisé qu’ils ne donnaient pas assez [aux organismes qui prônent] la diversité culturelle», se réjouit-il, ajoutant que le Conseil des arts de Montréal (CAM) a, lui, haussé son financement de 50% au cours des «trois ou quatre dernières années».

Le critère de la diversité
Le CAC, qui verra son budget doubler d’ici 2021, a en effet inscrit la diversité comme critère de financement des organismes culturels. Il incite les institutions qu’il subventionne à «tenir compte de la diversité culturelle dans leur membership», détaille à Métro le directeur et chef de la direction de l’organisme, Simon Brault.

La PDG du Conseil des arts et des lettres du Québec (CALQ), Anne-Marie Jean, soutient quant à elle qu’il y a «un décalage entre les changements démographiques et les organismes culturels». Afin que «ce rattrapage ait lieu», le CALQ a lui aussi ajouté la diversité culturelle à ses critères de financement et tente de mettre fin au principe de l’historicité selon lequel les organismes bien établis devraient recevoir un plus grand financement.

Mme Jean soulève en outre le «grand défi d’inclusion» auquel ferait face l’Union des Artistes (UDA). L’ordre professionnel, qui compte quelque 8 500 membres, ne reconnaît pas les diplômes des artistes étrangers qui ont suivi une formation dans un établissement non reconnu par lui. «Ça fait longtemps que des artistes immigrants demandent cette reconnaissance», ajoute-t-elle.

«On n’est pas des médecins. On doit passer des auditions. Peu importe que vous ayez un diplôme ou non, ça n’a pas d’importance», réplique la présidente de l’UDA, Sophie Prégent. Elle concède que «c’est très difficile» pour son ordre professionnel de reconnaître la formation acquise par les artistes immigrants à l’étranger, mais que cela n’empêche pas ceux-ci de devenir stagiaires à l’UDA.

La barrière de la langue
La maîtrise de la langue française représente un autre enjeu considérable pour les immigrants qui souhaitent se tailler une place sur le marché du travail québécois, soutient le président et chef de la direction de la Chambre de commerce du Montréal métropolitain (CCMM), Michel Leblanc.

Dans divers domaines, entre autres ceux ayant trait aux nouvelles technologies et à l’exportation, «il y a des freins à l’obtention d’un poste de cadre en raison d’une connaissance du français qui n’est pas optimale», poursuit M. Leblanc.

La directrice du Centre d’appui aux communautés immigrantes (CACI), Anaït Aleksanian, précise toutefois qu’«il n’y a aucune liste d’attente» pour les cours de francisation à Mont­réal.

«C’est en train de changer, mais il y a 20 ans, des artistes issus de la diversité n’étaient pas considérés comme professionnels simplement parce qu’ils faisaient les choses différemment.» -Quincy Armorer, directeur artistique du Black Theatre Workshop

Des obstacles systémiques
«Est-ce qu’il y a de la xénophobie à l’embauche? Probablement», lance Michel Leblanc. Dans le milieu artistique, des obstacles systémiques nuisent aussi à l’insertion professionnelle des immigrants. «À cause des retards historiques, du colonialisme et du racisme, les artistes autochtones et immigrants doivent franchir des barrières pour se faire connaître», croit Simon Brault.

«Il y a encore certains obstacles, mais l’important, c’est qu’on parle de la diversité pour faire tomber les barrières», affirme quant à elle Anne-Marie Jean. La PDG du CALQ considère d’ailleurs qu’il est primordial de sensibiliser davantage les artistes immigrants aux occasions de financement qui s’offrent à eux.

Appelé à commenter le dossier, le ministère de l’Immigration (MIDI) affirme par courriel que des efforts sont faits sur différents fronts pour faciliter l’intégration des immigrants québécois. Ainsi, des cours de français à temps partiel en milieu de travail sont offerts aux immigrants «afin de leur permettre de trouver un emploi à la hauteur de leurs compétences, de se maintenir et de progresser en emploi», entre autres dans les domaines de l’administration et des soins infirmiers.

Par ailleurs, le MIDI explique qu’il «travaille depuis déjà plusieurs années avec les ordres professionnels pour faciliter la reconnaissance» des acquis et des expériences des immigrants. Le ministère est également «en train de revoir complètement le Programme des immigrants entrepreneurs» afin d’assurer un meilleur accompagnement des immigrants qui se lancent en affaires.

À Montréal

La Ville de Montréal a reçu l’an dernier 1,9M$ de la part du gouvernement du Québec afin de faciliter l’intégration des immigrants sur son territoire. «Le soutien de Québec et de la Ville, soit au total 5,7M$, a permis de financer 29 projets visant à améliorer le vivre-ensemble et à lutter contre le racisme et la discrimination», a fait savoir la Ville par courriel.

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