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C-31: la santé mentale des réfugiés inquiète

OTTAWA – Des médecins sonnent l’alarme face aux changements annoncés dans le système d’immigration du Canada pour les demandeurs d’asile.

La nouvelle loi du gouvernement Harper pourrait entraîner des risques graves pour la santé mentale des réfugiés, indique-t-on dans un article d’opinion publié dans le Journal de l’Association médicale canadienne.

Le projet de loi C-31 «visant à protéger le système d’immigration du Canada» prévoit des dispositions permettant la détention immédiate d’individus considérés comme des migrants illégaux.

Tous ceux qui sont âgés de plus de 16 ans seront détenus pendant un minimum de deux semaines avant leur audience sur la détention, tandis que les migrants de moins de 16 ans pourront l’être de manière informelle avec leurs parents ou encore confiés aux services de protection de la jeunesse.

Le projet de loi C-31 a été adopté fin juin, et les dispositions relatives à la détention sont désormais en vigueur.

Les auteurs de l’article rappellent que selon plusieurs études, les demandeurs du statut de réfugié qui sont détenus présentent des taux élevés de symptômes psychiatriques, même après de courtes périodes de détention.

«En tant que professionnels de la santé, il est de notre devoir de presser le gouvernement à minimiser le tort causé aux enfants, femmes enceintes, survivants de traumatisme et aux autres personnes vulnérables», écrivent les docteures Janet Cleveland et Cécile Rousseau dans l’article publié lundi.

«Les enfants ne devraient pas être incarcérés ni séparés de leurs parents. Une détention de tous les demandeurs d’asile devrait se limiter à la plus courte période possible pour la vérification de leur identité et les contrôles de sécurité, et devrait, de façon générale, se faire dans des établissements non carcéraux.»

L’article cite des statistiques des États-Unis, du Royaume-Uni et de l’Australie qui suggèrent que la détention entraîne des impacts négatifs sur la santé mentale.

Au Royaume-Uni, après une moyenne de détention de 30 jours, 76 pour cent des demandeurs d’asile détenus souffraient d’une dépression clinique, contre 26 pour cent d’un même échantillon mais non détenus.

Du côté des États-Unis, les statistiques montrent qu’après environ cinq mois de détention, 86 pour cent des requérants d’asile montraient des niveaux élevés de dépression, 77 pour cent souffraient d’anxiété clinique et 50 pour cent présentaient un trouble de stress post-traumatique clinique.

Dans le cas de l’Australie, où la détention est obligatoire pour les demandeurs d’asile arrivés par bateau, on comptait plus de 1100 incidents d’auto-mutilation et six suicides dans un groupe d’environ 6000 personnes détenues pendant une moyenne de 10 mois, indique-t-on dans l’article.

Les auteures soulignent que ce taux de suicide est environ 10 fois plus important que celui prévalant dans le reste de la population, en Australie comme au Canada.

«Par contre, en Australie, près de 90 pour cent des migrants dits ‘irréguliers’ reçoivent par la suite le statut de réfugiés et s’établissent pour de bon sur le territoire», écrit-on dans l’article.

La loi récemment adoptée à Ottawa fait suite à l’arrivée par bateau de 500 demandeurs d’asile sur les côtes de la Colombie-Britannique à l’été 2010. Parmi ces passagers, six hommes seraient toujours détenus.

Dans une évaluation menée en 2010 sur les détentions et les renvois, l’Agence des services frontaliers du Canada a émis des inquiétudes quant à la façon d’aborder les cas de santé mentale parmi les réfugiés détenus. «Bien que les individus souffrant de problèmes de santé mentale obtiennent de l’aide, les délais nécessaires avant que les services ne soient fournis varient grandement», indique-t-on dans le rapport.

«L’évaluation n’a pas permis de déterminer l’étendue ou l’ampleur de la problématique puisque les statistiques sur la santé des détenus ne sont pas comptabilisées par l’agence.»

Cet article est publié alors que des médecins contestent vigoureusement les coupes annoncées par les conservateurs dans les soins de santé fournis aux demandeurs du statut de réfugié.

Le programme fédéral de santé comprenait, dans sa version originale, une couverture des soins psychiatriques et des services d’écoute pour les demandeurs d’asile, de même que pour les frais de médicaments.

Or, avec les changements entrés en vigueur en juin, on réserve ces services uniquement à ceux que le gouvernement a sélectionnés comme demandeurs. Sinon, les soins ne seront fournis que dans les cas où le demandeur pose un risque pour la santé et la sécurité de la population canadienne.

Ottawa allègue que les demandeurs d’asile ne devraient pas avoir droit à des services dont les contribuables canadiens ne profitent pas, et que ces modifications visent à décourager les «faux réfugiés».

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