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«L’homophobie ne doit pas être banalisée»

Photo: André Querry/monscoop@journalmetro.com

Après les nombreuses manifestations contre le mariage gai en France, c’était au tour du camp du oui, dimanche, de prendre la rue. Alors que des centaines de milliers de Français déambulaient dans les rues parisiennes pour manifester en faveur du projet de loi légalisant le mariage pour tous, des Français d’ici et leurs cousins Québécois ont fait de même à Québec et à Montréal, en appui à la cause. Métro s’est entretenu avec le président de Français du Monde Québec et Atlantiques, Jérôme Spaggiari, un des organisateurs des rassemblements.

Quel est l’objectif de la manifestation?
On a deux objectifs principaux. On veut manifester notre soutien à cette évolution de la société française, on pense que cette évolution va vraiment dans le sens des grandes luttes qu’on a connues dernièrement. On pense que c’est une manière d’adapter la législation française à une nouvelle réalité des familles, c’est-à-dire multiples, évolutives, des familles monoparentales, des enfants qui naissent hors mariage, et des enfants qui sont élevés par des couples homosexuels. C’est important d’assurer une sécurité entre les couples de même sexe, et aussi vis-à-vis de leurs enfants. Et aujourd’hui, le système juridique français est très mal équipé, c’est pour ça qu’il faut le faire évoluer. C’est aussi une manière de réaffirmer que l’homophobie n’est pas un point de vue, c’est un délire. On n’a pas le droit d’affirmer des choses ou d’adopter un comportement homophobe. On a entendu beaucoup de choses très choquantes dans les dernières semaines, donc c’est aussi une manière pour les Français comme pour les Québécois qui sont solidaires de redire que l’homophobie ne doit pas être banalisée.


Comment expliquez-vous qu’une telle loi n’ait pas déjà été adoptée?

C’est une bonne question (rires)! Je ne me l’explique pas beaucoup. C’est vrai qu’il y a 22 pays qui ont déjà permis le mariage entre personnes de même sexe et l’adoption [des couples gais]. Il faut rappeler qu’on sort quand même de plusieurs années, voire décennies, de gouvernements plus conservateurs en France, et c’est donc certainement une des raisons qui fait que ce type de projet n’est jamais arrivé à l’Assemblée nationale. On est contents que le nouveau gouvernement prenne ce dossier-là à cœur. L’important, c’est d’offrir les mêmes droits à l’ensemble des Français. Depuis 1982, l’homosexualité est dépénalisée. Ça veut dire que les préférences sexuelles sont complètement égales et qu’on ne doit pas discriminer une personne sur son orientation sexuelle. C’est vraiment important d’apporter aux couples de même sexe les mêmes droits en matière d’union et d’adoption. Et comme Français qui vivons au Québec, où ces lois existent depuis 2004, nous avons aussi un témoignage à porter à nos compatriotes : contrairement à ce que disent toutes les personnes qui sont contre cette évolution-là, la société québécoise ne s’est pas effondrée, elle va plutôt bien. Donc, quand on offre des droits, quand on met l’égalité au centre de la réflexion d’un pays, la société se porte mieux que quand on crée des inégalités. Notre devise : liberté, égalité, fraternité. C’est écrit sur tous les bâtiments publics, et pourtant, cette égalité, c’est un signe qu’il faut vraiment se bagarrer pour qu’elle soit respectée et qu’elle évolue dans le bon sens.

La loi devrait être votée dans les prochaines semaines. Avez-vous bon espoir qu’elle passe?

Oui, on a bon espoir. Je crois que d’abord, c’était un engagement du président François Hollande, donc je pense qu’il suit sa feuille de route. Je pense qu’il y a une grande partie de la population avec lui, plus de 60 % soutiennent ce projet de loi. Et c’est certain que notre contribution aujourd’hui [dimanche] à l’étranger va aussi pousser le gouvernement à maintenir le cap et à aller dans la bonne direction.

On a tout de même vu beaucoup de gens dans les manifestations en France qui s’opposaient à ce projet de loi. Comment expliquez-vous cela?
Il y avait beaucoup de monde, c’est vrai. Il faut toutefois relativiser les chiffres qui ont été annoncés par les gens qui organisaient ces manifestations, ils sont certainement gonflés. Mais il faut l’entendre, et il faut expliquer le projet de loi. Parce qu’encore une fois, on n’est pas en train de prendre des droits à certaines personnes, on n’est pas en train de diminuer la valeur de ce que certaines personnes peuvent mettre derrière le mot «mariage», en particulier les personnes croyantes. Depuis la révolution française ou presque, le mariage est un acte exclusivement civil; il faut donc le sortir de la réalité religieuse. On respecte cette position de la part des gens qui ont manifesté, mais on est dans un État laïc en France, et donc, la réflexion religieuse ne peut pas interférer avec la réflexion laïque de la République française.

Avez-vous été étonné de ces réactions?

Ça ne m’a pas tellement étonné. Je pense qu’il y a certainement une tranche de la population qui est véritablement contre ce projet de loi. Il y a probablement aussi derrière cette mobilisation une volonté de revanche vis-à-vis du gouvernement actuel, et peut-être que les gens qui ont perdu les dernières élections souhaitent utiliser ce débat-là pour apporter une opposition plus forte face à l’action gouvernementale, pour faire un gain politique.

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