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Jean Garon: un homme de conviction

Photo: Yves Provencher/Métro

L’ancien ministre de l’Agriculture et de l’Éducation, Jean Garon, a décidé d’écrire ses mémoires pour redonner le goût du militantisme. Dans son livre, Pour tout vous dire, qui paraît mercredi, il a la générosité de donner ses trucs pour rallier la population. «S’il y en a qui veulent les apprendre, tant mieux. Ils pourront réussir ce qu’on a pas réussi», confie candidement l’homme politique de 74 ans. Retour sur son parcours parsemé d’embûches.

Qu’est-ce qui vous attirait dans l’action politique?
L’indépendance. Mon père parlait beaucoup «des petits pays qui devenaient indépendants». Je l’écoutais. Au collège, pendant que je faisais mon cours classique, j’étais de ceux qui ont travaillé sur une pétition pour que l’hôtel Queen Elizabeth s’appelle le Château Maisonneuve. Ça n’a pas marché. Je me suis dit que si on n’était pas capable de changer le nom d’un hôtel avec 250 000 signatures, on perd notre temps. C’est un mauvais régime politique. C’est là que je suis devenu indépendantiste. C’est normal pour un peuple qui a une certaine consistance, qui a un territoire propre, qui a une langue commune, d’être indépendant.

Avez-vous cru que le camp du Oui allait remporter la victoire lors du référendum de 1980?
Non. J’ai fait la campagne, mais je me rendais compte que les gens n’étaient pas prêts. Ils étaient inquiets, ils étaient craintifs. En 1995, le référendum a été volé par le fédéral. Les Anglais ont été em,menés à Montréal au frais du fédéral pour qu’ils viennent manifester. Il y a aussi eu plus de 50 000 immigrants qui ont été acceptés juste avant le référendum, pour qu’ils puissent voter non. Ce référendum, on l’a ni perdu, ni gagné. C’est évident qu’il y aura partie remise.

Lors de l’élection du premier gouvernement de René Lévesque en 1976, vous avez été nommé ministre de l’Agriculture et vous avez constaté des problèmes de corruption…
Oui. Je ne le savais pas lorsque j’ai été nommé. Lors de la première commission parlementaire, le créditiste Fabien Roy me dit «Garon, le patronnage des libéraux, c’est pas compliqué, c’est les heures de boul [NDLR : travaux mécanisés pour aplanir les terres et faciliter le drainage de surface]. Si un cultivateur veut faire du boul, il reçoit des subventions. C’est 1$ par heure de boul qui va à la caisse de libéraux.»

Il y aussi les plans pour le drainage des terres. Les cultivateurs les faisaient faire par des firmes ingénieurs. Il y en avait seulement cinq qui avaient le droit de les faire. Quand j’ai été nommé, le sous-ministre m’a demandé si j’allais spécialiser les firmes comme les autres. J’ai allumé tout de suite. Plus tard, j’ai appris que deux de ces firmes ont été formées par deux députés libéraux. Tous les contrats de drainage des terres étaient donnés à ces firmes. Je ne sais combien d’argent allait à la caisse électorale.

Lorsque de votre passage à l’Agriculture, le taux d’autosuffisance du Québec a grimpé jusqu’à 80%. Aujourd’hui, il oscille autour de 33%. Comment expliquez-vous cette chute?
Quand Lucien Bouchard a vendu Provigo, il a fait une connerie. On s’était organisé pour que toutes les grandes chaînes d’épicerie (Steinberg, Métro, Provigo) soient dirigées au Québec. Je les rencontrais régulièrement pour qu’elles achètent des produits québécois. On a acheté des actions pour qu’elles demeurent au Québec. M. Bouchard a dit qu’il était obligé de vendre Provigo, mais ce n’était pas vrai. Ça me choque. J’étais parti quand il a fait cela. Une chance parce que j’aurai eu un malaise.

Vous écrivez dans votre livre que vous avez tenu tête aux recteurs des universités qui vous demandaient toujours plus d’argent. Pourquoi n’est-ce plus possible aujourd’hui?
Flatter tout le monde dans le sens du poil, c’est plus facile. Quand je suis arrivé à l’Éducation, en 1994, le déficit libéral était au-dessus de 3 G$. Parizeau a dit que si on voulait contrôler le déficit, on allait garder les mêmes budgets de l’année précédente. Mes sous-ministres m’ont dit qu’il fallait augmenter les frais de scolarité. J’ai dit qu’on voulait faire le gel pour arriver à l’éducation gratuite à l’université. Pour y arriver, j’ai demandé depuis quand on n’avait pas renégocié le taux des prêts étudiants. Les banques ne voulaient pas négocier. Elles riaient. J’ai dit que j’allais lancer un appel d’offres et que celui qui allait avoir le meilleur taux aurait tous les prêts. Les banques ont toutes baissé leur taux et j’ai pu sauver une dizaine de millions.

J’ai aussi refusé les dépassements de coûts. Quand j’ai annoncé l’INRS à Montréal, j’ai regardé l’entrepreneur et le recteur dans les yeux et je leur dit qu’il n’y aura pas de dépassement de coût. S’il y en a, ne venez pas me voir, ça sera non.

Vous avez servi quatre chefs du Parti québécois: René Lévesque, Pierre-Marc Johnson, Jacques Parizeau et Lucien Bouchard. Votre relation ont été particulièrement tendue avec ce dernier. Pourquoi?
Il avait de l’ambition. Bouchard avait sa gang qui le préparait pour qu’il remplace Parizeau. Il pense qu’il connaît tout. C’est un opportuniste. Il voulait se présenter libéral avec Trudeau et il a été conservateur avec Mulroney. Il a fourré Mulroney. Après cela, il a été au Bloc. Il a démissionné pour s’en venir au PQ. Et il a encore démissionné. C’est un gars qui est insatisfait. [René] Lévesque et [Jacques] Parizeau étaient sincères.

Qu’est-ce que vous pensez du gouvernement de Pauline Marois?
Pauline n’a pas de marge de manoeuvre. Elle est minoritaire. Quand je l’ai connue, je trouvais qu’elle changeait d’idée facilement. Actuellement, on ne peut pas la blâmer. Elle n’a pas de choix.

Que pensez-vous de la classe politique aujourd’hui ?
[Soupire] Ça n’a pas de bon sens la corruption comme cela. J’espère que [la Commission Charbonneau] ira jusqu’au fond du baril. Quand j’ai été élu en 1976, j’exigeais qu’on ne récolte pas plus de 100$ par membre lorsqu’on récoltait de l’argent. Mais j’avais 3000-3500 membres.

Qu’en pensez vous?
René Lévesque. «J’ai beaucoup d’admiration pour lui. C’était un homme fiable et honnête.»

Pierre-Marc Johnson. «C’est un chic gars. C’est agréable de parler avec lui. Sauf qu’il n’était pas indépendantiste. Il ne croyait pas en [l’indépendance du Québec].»

Jacques Parizeau. «C’est un gars fiable et franc. Quand il dit quelque chose, ça veut dire quelque chose. Un homme de conviction et d’imagination.»

Lucien Bouchard. «Il n’était pas vraiment indépendantiste. Il est venu pour récolter le travail de Parizeau. Après cela, il est reparti. Il avait peur de ne pas gagner. (…) Il n’a pas de convictions ou des convictions successives. Il a toujours l’air convaincu, mais il change de convictions souvent..»

Bernard Landry. «J’ai toujours pensé qu’il était indépendantiste, mais il s’est entouré de gens «moyens». Il prends des décisions rapides et il en a regrettées, selon moi.»

Jean Charest. «Pas de convictions.»

Pauline Marois. «Elle a toujours été une femme hésitante.»

Pour tout vous dire, Jean Garon, VLB Éditeur.
Disponible mercredi en librairie.

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