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Québec présente un nouveau régime d'impôts miniers

Alexandre Robillard et Martin Ouellet - La Presse Canadienne

QUÉBEC – Le gouvernement du Québec a présenté lundi son nouveau régime d’impôt minier, qui ne réussira pas à réaliser la promesse électorale du Parti québécois de doubler les revenus tirés de l’extraction de minerai.

Le ministre des Finances, Nicolas Marceau, s’est défendu d’avoir fait preuve de timidité avec sa refonte des redevances, qui entrera en vigueur l’an prochain.

«Nous n’avons pas laissé traîner des centaines de millions de dollars sur le trottoir, ce n’est pas vrai, a-t-il dit. S’il avait été possible d’aller en chercher plus, on serait allé en chercher plus.»

M. Marceau s’est plutôt réjoui du fait que toutes les entreprises minières devront désormais verser des redevances, ce qui n’avait pas été le cas pour la moitié d’entre elles l’an dernier.

En campagne électorale, les péquistes avaient promis d’aller chercher une somme supplémentaire de 388 millions $, en moyenne chaque année.

Le ministère des Finances a indiqué lundi qu’avec des prix élevés des métaux comme en 2011, cette somme supplémentaire aurait plutôt oscillé entre 35 et 50 millions $.

En 2015, au terme de la première année complète d’application du nouveau dispositif, cette bonification sera de 50 millions $, pour totaliser 370 millions $, soit une hausse de 15 pour cent.

Le ministère prévoit que cette marge de perception supplémentaire se maintiendra et pourrait augmenter à 30 pour cent d’ici 2020 si les prix des métaux demeurent élevés.

Pour parvenir à ce résultat, le gouvernement mise sur un impôt minimum calculé sur la valeur de production à la tête du puits et sur un impôt progressif sur les profits des entreprises, établi en fonction de l’importance des bénéfices.

À titre de comparaison, la redevance de 16 pour cent sur les profits, instaurée par les libéraux, aurait procuré 320 millions $ en 2015, selon les prévisions du ministère.

En conférence de presse, M. Marceau a affirmé que le contexte économique du secteur minier avait changé, notamment une baisse du prix des métaux, ce qui a incité le gouvernement à la prudence.

«Il aurait été irresponsable de poser des gestes pour atteindre un chiffre alors que le contexte avait changé», a-t-il dit.

Malgré cela, des chiffres du ministère des Finances montrent que le nouveau régime minier, appliqué à la période de 2000 à 2011, une période marquée par une forte hausse du prix des métaux, n’aurait permis d’amasser qu’en moyenne 50 millions $ de plus par année, soit 55 pour cent de redevances de plus que le dispositif qui était en vigueur ces années-là.

En 2010, les libéraux de Jean Charest ont fait augmenter le taux de redevances, basé sur les profits des entreprises, de 12 pour cent à 16 pour cent.

En vertu du nouveau régime, l’impôt minier minimum sera d’un pour cent de la valeur de la production à la tête du puits, lorsqu’elle s’élève à moins de 80 millions $. Si la valeur de la production franchit ce seuil, la perception sera fixée à 4 pour cent.

Ce dispositif sera cependant mis de côté si un montant plus élevé peut être prélevé sur les profits des entreprises. Une entreprise qui dégagerait une marge bénéficiaire de 35 pour cent ou moins devrait verser 16 pour cent de cette somme en redevances.

Ce taux grimperait à 17,8 pour cent dans le cas d’une marge de 50 pour cent et pourrait culminer à 22,9 pour cent dans le cas où la marge est de 100 pour cent.

Le nouveau régime prévoit aussi que les sommes versées en redevances et la quantité de minerai extrait seront désormais des informations publiques, ce qui n’était pas le cas jusqu’ici.

Très critique envers les redevances imposées par les libéraux, la ministre des Ressources naturelles, Martine Ouellet, qui a décidé à la dernière minute de participer à l’annonce, a indiqué qu’elle suivra le dossier de près.

«Nous avons fait des avancées importantes et il est très clair que nous allons suivre les dossiers et que nous allons travailler en collaboration, a-t-elle dit. Nous proposons dans la Loi sur les mines des comités de suivi environnemental et de maximisation des retombées économiques.»

Après avoir promis des lendemains qui chantent en campagne électorale l’an dernier, le gouvernement de Pauline Marois a de nouveau renié ses engagements, ont clamé caquistes et libéraux.

Québec solidaire et la «Coalition pour que le Québec ait meilleure mine» ont pour leur part accusé le gouvernement d’avoir cédé aux pressions de l’industrie.

En point de presse, le porte-parole de l’opposition officielle en matière de finances, Raymond Bachand, a parlé d’un «recul majeur».

«Depuis deux ans, le Parti québécois nous accuse, crie partout, que le Québec brade ses ressources. Ils ont fait leurs élections là-dessus. (…) Aujourd’hui, le 388 millions $ de plus qu’ils avaient promis est devenu 50 millions $», a relaté M. Bachand.

Et encore, ce 50 millions $ est conditionnel à des investissements encore bien incertains, a-t-il fait remarquer.

Quoi qu’il en soit, les quelques dizaines de millions de dollars de plus que laisse miroiter le ministre Marceau ne pourront réparer le tort causé par l’incertitude entretenue pendant des mois par le PQ, a renchéri le député Jean D’Amour.

«On a perdu 700 millions $ d’investissements au cours des derniers mois. En bout de piste, ce sont des revenus que l’État ne touchera pas», a-t-il dit.

L’opposition libérale entend exiger du gouvernement qu’il commande une étude d’impact de son nouveau régime, entre autres sur les petits exploitants.

Pour sa part, le député François Bonnardel de la CAQ a affiché son inquiétude pour la vitalité de l’industrie minière.

Le nouveau régime fiscal ne corrigera en rien les effets de la «démagogie» du PQ contre l’industrie, a-t-il fait valoir.

«L’équation finale, c’est que l’industrie a mal et a besoin d’être épaulée. Le Parti québécois nous démontre encore une fois qu’il n’avait pas l’économie à coeur et qu’on met en péril les jobs dans les régions», a dit le député de Granby.

Au contraire, Québec solidaire estime que l’industrie minière, loin d’être à plaindre, a fait plier les genoux au gouvernement Marois.

«Le Parti québécois déçoit encore. C’est le chantage économique qui l’emporte sur le courage politique», a souligné le député de Mercier, Amir Khadir.

De l’avis de la formation de gauche, le nouveau calcul des redevances «semble taillé sur mesure pour servir les intérêts des géants de cette industrie au détriment du trésor public».

La «Coalition pour que le Québec ait meilleure mine» fait une analyse similaire. Le lobby de l’industrie a eu raison des engagements du Parti québécois, selon le directeur général de Nature Québec, Christian Simard.

«C’est beaucoup de bruit pour pas grand-chose. C’est une réforme du régime minier qui s’est fait attendre, qui a été négociée avec l’industrie et qui augure mal pour la suite des choses. (…) Si on a commencé à abdiquer de cette façon, jusqu’où irons nous», a lancé M. Simard.

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