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Pas d'écoute électronique sans mandat pour la police

OTTAWA – La Cour suprême du Canada invalide la loi fédérale qui permettait aux corps policiers de procéder sans mandat à de l’écoute électronique dans des cas urgents.

Cet arrêt unanime du plus haut tribunal au pays, rendu vendredi, enlève ce pouvoir d’enquête à la police, et accorde un an au Parlement pour réécrire la loi afin de respecter la Charte canadienne des droits et libertés.

Cette décision fait suite à une affaire criminelle survenue à Richmond, en Colombie-Britannique, dans laquelle six hommes avaient été reconnus coupables d’un enlèvement brutal en 2006.

La Gendarmerie royale du Canada (GRC) avait amorcé une opération d’écoute électronique dès l’enlèvement, mais n’avait obtenu l’autorisation judiciaire nécessaire que 24 heures plus tard.

Durant le procès, un juge de la Cour suprême de Colombie-Britannique a statué que les policiers avaient violé la Charte des droits, mais il a quand-même admis l’écoute électronique en preuve. Le magistrat avait finalement condamné les six accusés à des peines d’emprisonnement variant de 10 à 18 ans pour l’enlèvement de Peter Li, de son épouse Jennifer Pan, et d’un ami du couple, Xiao Chang.

De telles causes ne se retrouvent habituellement en Cour suprême qu’après le jugement d’un tribunal d’appel provincial. Mais dans ce cas-ci, les procureurs de Colombie-Britannique avaient demandé et obtenu la permission de s’adresser directement à la Cour suprême, pour vider la question.

Les deux juges nommés récemment par le gouvernement conservateur, Michael Moldaver et Andromache Karakatsanis, ont coécrit l’arrêt unanime de vendredi, au nom de leurs collègues.

Cet arrêt invalide une section du code criminel qui permettait aux policiers d’intercepter sans mandat des conversations privées s’ils cherchaient à empêcher qu’on commette un acte criminel aux répercussions potentiellement graves.

La Cour suprême admet que le fait de permettre aux policiers d’intercepter une conversation privée sans mandat ne représente pas en soi une violation de la Charte. Mais si les policiers peuvent procéder à des écoutes d’urgence, a dit le tribunal, le Parlement doit modifier la loi pour résoudre la question de l’obligation de rendre des comptes.

L’arrêt précise que l’article 184.4 du code criminel est «invalide sur le plan de la reddition de comptes, parce que le régime législatif ne prévoit aucun mécanisme permettant de surveiller l’exercice, par les policiers, du pouvoir qu’il leur confère. Un aspect particulièrement troublant (…) tient au fait qu’il n’exige pas qu’un avis soit donné aux personnes dont les communications privées ont été interceptées».

Si des accusations criminelles ne sont pas portées après l’écoute, poursuivent les juges, les cibles pourront ne jamais savoir qu’elles avaient été placées sous écoute par la police, ce qui les priverait de la possibilité de contester l’utilisation de ce pouvoir par la police.

La loi ne respectait pas non plus les prérequis minimaux de l’article 8 de la Charte, qui prévoit que chacun a droit à la protection contre les fouilles, les perquisitions ou les saisies abusives.

«La communication d’un avis après coup (…) constitue un moyen de corriger cette lacune, mais ce n’est peut-être pas le seul. Le législateur pourrait sans doute prendre d’autres mesures efficaces», poursuivent les juges.

Une porte-parole du ministre fédéral de la Justice, Rob Nicholson, a indiqué vendredi que le gouvernement étudiera ce jugement de près. La Gendarmerie royale du Canada a quant à elle refusé de commenter.

Les trois personnes kidnappées dans cette affaire avaient été libérées après le versement d’une rançon de 1,3 million $, qui n’a jamais été retrouvée.

Les six hommes condamnés portent leur peine en appel pour une multitude de raisons. Leurs avocats tenteront certainement d’utiliser le jugement prononcé vendredi, mais celui-ci n’a aucun impact direct et immédiat sur leur cause.

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