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Urgences: le Québec au dernier rang

QUÉBEC – Le Québec affiche la pire performance du monde occidental quant aux délais d’attente à l’urgence.

Le constat dévastateur est fait par le Commissaire à la santé et au bien-être dans un rapport, rendu public jeudi, qui compare la situation dans les salles d’urgence au Québec avec celle observée ailleurs au Canada et dans le monde.

Au Québec, la proportion des patients devant attendre cinq heures et plus à l’urgence atteint 35 pour cent, soit la pire performance au Canada et dans l’ensemble des pays occidentaux ayant un niveau de vie comparable. En Ontario, la proportion chute à 15 pour cent, puis à 5 pour cent en Allemagne et aux États-Unis et à seulement 2 pour cent en Suisse, selon une enquête internationale citée par le commissaire.

Le rapport d’une centaine de pages, intitulé «Apprendre des meilleurs: étude comparative des urgences du Québec», indique que la situation peut varier énormément d’un hôpital à l’autre au Québec. Par exemple, le séjour moyen à l’urgence d’un hôpital universitaire va de 14 à 37 heures, dans les cas de visites sur civière avec hospitalisation.

Le commissaire, Robert Salois, en conclut donc que le gouvernement devrait s’inspirer de la vingtaine d’hôpitaux affichant de bons résultats pour généraliser leurs pratiques de gestion à travers le Québec, car l’attente à l’urgence «n’est pas une fatalité», a-t-il commenté en conférence de presse.

La piètre performance du Québec représente un coût énorme pour la société, alors qu’en 2015-2016, 1,5 million de visites à l’urgence ont dépassé le délai maximal d’attente établi par le ministère de la Santé. Ces délais indus ont engendré, pour les patients, 13 millions d’heures d’attente en trop, a calculé le commissaire.

Il écrit dans son rapport que l’encombrement des salles d’urgence et les délais sont devenus un phénomène chronique au Québec, un problème «socialement inacceptable» qui dure depuis trop longtemps.

Au Québec, de tous les patients qui défilent à l’urgence, un sur dix en repartira sans avoir vu de médecin. Dans certains hôpitaux, ce sera le cas pour un patient sur trois.

En moyenne, il faut patienter dans la salle d’attente pendant 2h34 avant de voir un médecin. La meilleure performance à ce chapitre a été observée au Point de service de Témiscaming-et-de-Kipawa, en Abitibi, avec une attente moyenne de 47 minutes, et la pire performance a été enregistrée au Centre hospitalier Anna-Laberge, en Montérégie, où la moyenne d’attente pour voir un médecin grimpe à 5h29.

Pour espérer voir un médecin spécialiste, il faudra s’armer de patience. Le délai va de 2 à 15 heures, avec une moyenne de 7,8 heures.

M. Salois pointe du doigt le manque de leadership et de volonté des autorités pour expliquer la situation.

Une des solutions à l’engorgement des urgences prônées par le ministre de la Santé, Gaétan Barrette, consiste à créer 50 supercliniques, une avenue qui laisse le commissaire très sceptique.

Selon M. Salois, le gouvernement devrait d’abord étendre à l’ensemble des hôpitaux les pratiques qui ont fait leurs preuves dans certaines urgences du Québec, et «de façon rapide, des changements pourraient être faits dans le système de santé», a-t-il soutenu.

Le rapport sur les urgences est un des derniers documents produits par le commissaire, dont le poste a été aboli récemment par le ministre Barrette.

M. Salois a présenté dans son rapport neuf recommandations pour corriger la situation et désengorger les urgences, notamment en donnant un rôle accru aux infirmières.

Il propose aussi, notamment, d’ajuster le nombre de médecins selon l’achalandage et d’assurer des services dans les groupes de médecine familiale (GMF) les soirs et les week-ends.

Pour rédiger son rapport, le commissaire a analysé les données disponibles sur l’ensemble des urgences du Québec en 2014-2015, en plus de mener une enquête sur le terrain.

Le ministre a réagi de façon laconique, en disant que les solutions prônées étaient les mêmes que les siennes et que la plupart des recommandations du commissaire étaient déjà en voie d’être appliquées, «partiellement ou complètement». Il a dit qu’il n’y avait «rien de neuf» dans ce rapport.

La porte-parole de l’opposition officielle en santé, Diane Lamarre, conclut au contraire que «les Québécois sont victimes de l’improvisation et du mépris du ministre» Barrette, car «de toute évidence, il ne réussit pas à faire ce qu’il dit». Le rapport fait la preuve qu’il est possible de réduire l’attente à l’urgence, a-t-elle fait valoir, citant la situation ailleurs au Canada et dans d’autres pays.

Selon le porte-parole caquiste en santé, François Paradis, le rapport est accablant et les Québécois devraient changer la devise apparaissant sur les plaques d’immatriculation. Au lieu de «Je me souviens», il faudrait écrire selon lui: «J’attends».

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