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Dans l’œil de Philippe Brach

Photo: Josie Desmarais

S’il n’avait pas été musicien, Philippe Brach aurait fait du cinéma. À défaut d’avoir «la rigueur et la concentration requises» (c’est lui qui le dit), il a plutôt opté pour la musique. Une excellente décision.

Avec son troisième album, Le Silence des troupeaux, l’auteur-compositeur-interprète verbomoteur originaire de Chicoutimi démontre de nouveau son habileté à forger des images à partir de ses mots crus et de ses compositions.

Une peine d’amour en terre d’islam dans Pakistan, des faits divers scabreux dans La peur est avalanche, une atmosphère de fin du monde dans la pièce-titre : chaque morceau est un petit univers en soi.

«Chaque chanson a été créée dans un état d’esprit différent. Je ne suis pas bipolaire, mais en création, quasiment. C’est un peu comme ça que je suis composé : plein d’hosties de niaiseries disparates qui ne fittent pas ensemble», raconte l’artiste de 28 ans avec son franc-parler habituel.

«Il y a souvent des chansons qui naissent d’une idée de court métrage. Comme ça ne me tente vraiment pas de me faire chier avec la production et tous les barèmes à remplir, je me dis que je vais en faire une toune. Ça va être carrément ce que j’ai vu, ça va m’avoir pris beaucoup moins de temps, et après, on va pouvoir passer à autre chose. […] La difficulté, c’est de trouver comment faire pour que ces bulles disparates se tiennent ensemble.»

D’où le côté cinématographique de l’album, la présence d’une chorale et d’un orchestre venant unir le début et la fin du disque. Pour son troisième opus, Phil Brach s’est payé «un gros trip», question d’aller ailleurs.

Il s’est notamment retrouvé en studio avec 42 musiciens de l’Orchestre de l’Agora sous la direction de Nicolas Ellis, chef adjoint de l’Orchestre symphonique de Québec («Un jeune câlice de 26 ans qu’on va voir partout dans 10-15 ans. Pendant qu’il est encore achetable, je me suis permis de l’appeler»), en plus d’enregistrer avec deux ensembles vocaux.

«Travailler avec autant de monde en studio ajoute une fébrilité de plus. On a l’impression qu’il se passe de quoi et que tout le monde y met du sien.» Le tout a été enregistré en deux jours et demi à peine. «Ça s’est fait vite et bien. Il n’y a pas eu de remises en question. L’album était déjà bien imprégné dans ma tête. Je savais vraiment où je m’en allais.»

Aller ailleurs
Essayer autre chose. Ne pas se répéter. C’est le leitmotiv de Philippe Brach depuis le début de sa carrière. Cette volonté s’est accentuée davantage depuis le succès de Portraits de famine, son deuxième album, et de la tournée qui a suivi. Remporter le prix de la révélation de l’année au gala de l’ADISQ en 2015 n’a pas nui non plus.

«J’ai senti que les portes étaient grandes ouvertes pour qu’on écoute ce que je fais et ce que j’ai à dire. C’est une motivation incroyable dans mon cas, expose-t-il. À partir de ce moment-là, je peux appeler n’importe qui pour faire n’importe quoi, avoir n’importe quelle idée. Ça m’a enlevé le minimum de censure que je m’imposais. Elle n’était pas là souvent, mais là, elle est disparue.»

Cette liberté totale lui a permis de solliciter Samuel L. Jackson, Jeff Bridges, Dennis Quaid, Morgan Freeman et Woody Harrelson (rien que ça) pour qu’ils enregistrent un monologue sur la guerre du Vietnam qui aurait roulé en filigrane d’une chanson, projet qui est finalement tombé à l’eau.

«Je ne pense pas que ça se soit rendu à leurs oreilles. Mais j’avais un pas pire budget, je me câliçais de combien ils me coûtaient si ça leur tentait. J’étais prêt à emprunter s’il le fallait», se rappelle en riant celui qui est également producteur et coréalisateur du disque.

Cette audace lui a aussi donner l’occasion de faire une petite frousse à ses fans. À la fin de l’été est parue une vidéo où on voyait Phil en pleine séance d’enregistrement avec Paul Daraîche et 2Frères, deux artistes à des années-lumière de son univers, sur un air qui rappelait les belles années de La Chicane.

Deux mois plus tard, il récidivait avec le quatuor vocal classico-pop QW4RTZ, cette fois-ci au sommet d’une montagne, dans un habit brodé d’or. De quoi inquiéter ceux qui n’avaient pas saisi son humour au deuxième degré.

«C’était une illusion, explique-t-il. Le but de tout ça était d’aller là où on ne m’attend pas. Je trouvais que l’association avec cette culture pop était parfaite pour aborder la notion d’image. C’est mon troisième album en trois ans et demi. Ma face, on l’a vue beaucoup… Je voulais pousser cette image encore plus dans la gorge des gens. C’est pour ça qu’on a sorti des trucs vraiment léchés : pour être capables de monter tout ça et de faire le plus gros clivage possible avec la pochette [où il apparaît défiguré]. Et pour que je m’efface ensuite.»

Big in Pakistan

Après sa dernière tournée, Brach a passé deux mois au Pakistan. Dans un pays où la musique est parfois interdite par des islamistes radicaux, il a eu la chance de monter sur scène avec un groupe improvisé. Devant quelques membres de la bourgeoisie locale (qu’on devine perplexes), la fierté de Chicout’ a joué Crystel et Je fais de moi un homme de Daniel Bélanger. «On était probablement les premiers Québécois à jouer au Pakistan. Personne n’a trouvé ça bon, c’est sûr, mais ils ont pris des photos sans arrêt.»

Son voyage lui a aussi inspiré une pièce éponyme. «C’est une chanson qui parle de tout sauf du Pakistan. C’est sur une peine d’amour. C’est quand même cliché comme toune, comme propos et même comme accords. Je me suis dit : on va l’assumer comme ça, mais on va l’installer dans une république islamique pour rendre ça un peu plus funky. Ça fait partie de l’approche cinématographique.»

Philippe Brach
Lancement au Club Soda
Lundi à 18 h
Dans le cadre de Coup de cœur francophone

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