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Anatole: le sens du spectacle

Photo: Leo Hamel/Collaboration spéciale

C’est à une joyeuse redéfinition de notre rapport au spectacle et à la représentation que nous convie Anatole.

Avec ses allures de dandy vampirique et ses prestations élaborées (parfois très suggestives), le personnage scénique d’Alexandre Martel assume pleinement son côté flamboyant et spectaculaire.

«J’ai l’impression que beaucoup de spectacles qu’on nous présente ne s’affichent pas en tant que spectacles. On essaie de faire oublier la mécanique derrière et d’inciter les gens dans la salle à s’oublier dans le spectacle. Au contraire, nous, on aime signaler qu’on est dans un spectacle et inter­agir directement avec les gens, dans une relation d’un à un, indique l’artiste lorsqu’on lui demande de décrire à quoi ressemblent ses concerts. On tente de brouiller les codes du spectacle rock classique, d’utiliser des archétypes, de les détourner, pour que le spectateur ait toujours conscience qu’il est dans un spectacle.»

Une théâtralité pleinement affichée, donc, à des années-lumière de ce qu’on voit habituellement dans le milieu musical québécois.

«Toutes les propositions se valent dans une certaine mesure, tempère toutefois Anatole, qui a atteint les demi-finales des Francouvertes en 2015. C’est juste qu’on essaie de nous faire croire qu’il y a seulement une proposition qui existe: la représentation frontale du gars d’à côté qui joue de la guit’. On essaie de faire croire que c’est naturel, alors que tous les shows sont mis en scène et scénarisés. Je souhaite simplement que les artistes et les spectateurs prennent conscience de ça et de l’éventail de possibilités qu’offre la scène. S’ils en ont envie, évidemment.»

La proposition musicale d’Anatole est aussi très éloignée du «gars d’à côté qui joue de la guit’».

Testament, son deuxième album, sorti à la fin de septembre, est rempli de sonorités synthétiques qui, à grand renfort de claviers, évoque les plus beaux jours des années 1980.

«J’en suis venu à travailler avec ce son parce que tout l’album tourne autour de la thématique d’un personnage qui se sent vidé, qui n’est pas capable de sortir du cercle vicieux qu’il a lui-même créé. J’avais besoin des sonorités les plus froides, les plus détachées possible, pour refléter l’état d’esprit du personnage.»

Le disque n’est pas exempt pour autant de rythmes entraînants, voire dansants, comme la pièce-titre, Pluton, ou encore Donna la folle.

«En cours d’enregistrement, on a constaté que certaines choses gagnaient à être traitées de façon plus “chaude” pour qu’il y ait un contraste entre les sons et que ce ne soit pas trop unidimensionnel», admet celui qui a réalisé l’album, en plus d’y jouer de la guitare et de l’orgue (!).

«J’ai écrit les chansons sans instrument. Sans guitare, sans piano, sans soutien harmonique. Juste en chantant. Pendant une longue partie du processus, tout tournait autour de la mélodie et de la façon de la rendre intéressante en elle-même. Comme je n’écrivais rien et que j’enregistrais le moins possible, c’est les trucs qui me restaient en tête au fil des semaines qui sont devenus les chansons. C’est la sélection mémorielle qui a fait que l’album est plus pop.»

«Je pense que c’est dans le détour qu’on dit la vérité, et non dans la ligne droite.» –Anatole, à propos de l’écriture de ses chansons

Testament, c’est aussi la mort et la renaissance du personnage créé de toutes pièces par Alexandre Martel dans son premier album, L.A. / Tu es des nôtres, une sorte de faux prophète glamour né dans l’errance à Los Angeles.

«C’est mourir pour mieux renaître, d’une certaine façon, explique le chanteur à propos de son alter ego. C’est comme s’il se rendait compte qu’en voulant se libérer et libérer les gens, il était devenu esclave de cette obligation. Il se rend compte que le plus important, c’est le culte esthétique et non le message qu’il pensait transmettre. Il accepte de n’avoir rien à dire et d’être un personnage plat, sans profondeur, mais qui, par la dimension esthétique de l’entreprise, arrive quand même à changer les choses.»

Est-ce que ça signifie qu’Anatole ne dit rien dans ses chansons? Loin de là.

«J’ai souvent l’impression de n’avoir rien à dire. Et je crois que les gens qui pensent avoir quelque chose à dire sont dans la même situation. Pour moi, le mouvement de l’écriture génère le sens. C’est en écrivant que tu découvres ce que tu as à dire, expose Alexandre Martel, qui a consacré un mémoire de maîtrise en littérature à l’auteur français Alain Robbe-Grillet, père du nouveau roman. Même si tu as une intention à la source, elle finit toujours par être trahie ou transformée par le mouvement ou le geste d’écriture. Je n’ai toujours rien à dire, mais je finis par dire quelque chose malgré moi.»

La filière Québec

Originaire de la Vieille Capitale, Alexandre Martel a aussi coréalisé le premier album d’un autre artiste de Québec qui a attiré l’attention dernièrement: Hubert Lenoir.

On l’a d’ailleurs vu sur la scène de la Place des Arts, lors du dernier gala de l’ADISQ, cueillir un prix en compagnie de Lenoir (avant «l’incident du trophée avalé» qui a tant choqué Mario Pelchat).

«On se connaît et on joue ensemble depuis environ cinq ans, lorsque j’ai commencé à accompagner son ancien groupe, The Seasons, explique Anatole. On s’est réunis parce qu’on a des conceptions du spectacle et de l’art qui se rejoignent sur plein de points. Nos conceptions divergent parfois, mais le désir de flamboyance et de provocation est vraiment une chose qu’on partage.»

Anatole est en concert mardi dans le cadre de Coup de cœur francophone

Ausgang Plaza, 6524, rue Saint-Hubert à 20h

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