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Mon Amy

Le 23 juillet 2011, jour de la mort d’Amy Winehouse, la planète perdait une artiste unique; la musique, une voix inimitable, et Nick Shymansky, sa meilleure amie. À cause du succès? De la drogue? De la rapacité de son entourage? De l’amour fou? Et si c’était la faute d’un peu tout ça? D’un peu tout le monde? Le documentariste Asif Kapadia s’interroge.

Elle assurait, sur Rehab, ne pas avoir besoin d’y aller. Mais celle qui chantait ce succès avec aplomb et un air de défi a bientôt été remplacée par une fille fragile au regard perdu, toute petite sur des scènes gigantesques, recroquevillée sous les flashs des caméras l’avalant sans cesse. Une transformation dramatique que le Britannique Asif Kapadia retrace dans son documentaire consacré à Amy Winehouse, «une personne intelligente. Au regard pétillant. Belle. Et drôle! Vraiment drôle!»

Alors que les paparazzis pourchassaient l’artiste rachitique, cachée derrière ses paupières surlignées d’eye-liner et son chignon extravagant, on a oublié ce côté comique, croit aussi Nick Shymansky, son premier agent. Son grand complice. Un gars qui, dans le film comme au bout du fil, apparaît sympa, doux, sincère. «Au plus fort de sa carrière, on ne voyait presque plus l’Amy spirituelle, rigolote et espiègle que j’ai connue. À l’école, on se faisait souvent renvoyer de la classe parce qu’on riait trop, confie-t-il. On déconnait tout le temps.»

Mais vers la fin de sa vie, rappelle le long métrage de Kapadia, les rires se sont éteints. Plusieurs ont vu un lien entre l’humeur triste, orageuse de la star de la soul et sa soudaine popularité planétaire. D’autres ont mis sa peine sur le compte de sa relation avec son futur ex-époux Blake Fielder Civil. Moult scènes montrent d’ailleurs le couple s’embrassant furieusement comme s’il n’y avait personne autour, nulle part. Leur passion était toxique, torrentielle, presque terrifiante. Je ferais tout pour toi. Si tu t’entailles jusqu’au sang, je le ferai aussi.

Autre relation houleuse dépeinte ici : celle entre la chanteuse et son père, Mitch Winehouse, qui, après avoir donné son accord au film, est revenu sur sa parole, estimant qu’on l’y présentait comme un sans-cœur. Pourtant, Kapadia montre bien à quel point entre la fille, arborant fièrement un tatouage «Daddy’s Girl», et son papa, le lien était certes complexe, mais fort. Et dans «la tornade, l’ouragan» de la gloire instantanée, le paternel assoiffé d’attention, jeté sous les feux de la rampe, semble aussi égaré que son enfant. «Personne n’est prêt à vivre ce genre de notoriété, dit le cinéaste. Amy n’était certainement pas prête. Et, tristement, les gens qui l’entouraient ne l’étaient pas non plus.»

C’est peut-être pour cette raison qu’il y a eu les tournées de trop. Qu’on lui a dit : «Go, Amy, go. Plus tard, le repos. Va te produire devant des foules monstre.» Alors qu’elle ne voulait plus chanter ses succès. Qu’elle était passée à autre chose. Qu’elle voulait collaborer avec ses copains américains, le rappeur Mos Def et le batteur Questlove, tous deux fascinés par sa connaissance encyclopédique du jazz.

«C’est un film sur elle. Sur sa créativité. Sur ses proches. Sur son équipe. Mais c’est aussi un film sur l’industrie de la musique. Sur le public qui a cliqué sur les vidéos de shows où elle n’allait pas bien. Sur nous tous.» – Asif Kapadia

Elle aspirait au calme. À la paix, avance Kapadia. Et en ces temps où tout le monde (paraît-il) rêve d’être connu, ce docu est aussi une ode à ces artistes qui veulent créer, tranquilles, dans leur coin, sans subir le cirque médiatique. «Ce n’était pas prévu, mais au fil du montage, j’ai fini par explorer le thème de la créativité, remarque le réalisateur. Nick m’a dit cette phrase très forte : “Si on avait réussi à aider Amy, peut-être que l’album Back to Black n’aurait jamais vu le jour. Mais qu’est-ce qui est plus important au final? L’art? Ou le bien-être de l’artiste?”»

Laissant la question en suspens, Kapadia affirme avoir voulu, par son œuvre à lui, rendre hommage au nord de la capitale anglaise et au coloré quartier de Camden, où sa protagoniste résidait. Dans une séquence d’archives, on la voit brandir son trophée au gala des Grammys et crier fièrement : «Ça, c’est pour Londres!» «C’est une des raisons pour lesquelles je voulais raconter son histoire : je viens de ce coin. Camden est un endroit génial, rempli d’originaux. Mais c’est aussi un lieu où il y avait, autrefois, beaucoup de drogue. Le meilleur y côtoyait le pire.»

De son film, dur, douloureux, on tentera aussi de retenir le meilleur, le plus beau : ce rappel de prendre soin de ceux qu’on aime, d’être là quand ils traversent une passe horrible. «Si je pouvais résumer tout ça, je dirais que c’est un film sur l’amour, note Kapadia. Sur la nécessité d’avoir de l’empathie pour ceux qui ont le cafard et sur l’importance de ne pas les envoyer promener quand ils sont malades.»

La voix brisée, Nick Shymansky seconde : «Aujourd’hui, je regrette vraiment de ne pas lui avoir dit davantage à quel point je l’aimais.»

Amy
Le 3 juillet à l’Impérial dans le cadre du Festival de Jazz
En salle le 10 juillet

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