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Les Nations unies sont déçues de la loi 78

MONTRÉAL – La loi spéciale adoptée par le gouvernement Charest dans l’espoir de mettre un terme au conflit étudiant s’attire maintenant l’opprobre de la Haut-Commissaire aux droits de l’homme des Nations unies, Navi Pillay.

Dans un discours de cinq pages à simple interligne, Mme Pillay a réservé deux lignes à la loi 12, comme s’appelle le projet de loi 78 depuis son adoption par l’Assemblée nationale.

«Les gestes visant à restreindre la liberté d’association dans plusieurs parties du monde sont alarmants», a-t-elle déclaré.

«Dans le contexte des manifestations d’étudiants, je suis déçue de la nouvelle législation du Québec qui restreint leurs droits d’association et de manifestation pacifique», a déclaré Mme Pillay dans un discours qui dénonçait également les entraves aux droits de la personne dans des pays comme la Syrie et la Russie.

Le premier ministre Jean Charest, de passage à Rio de Janeiro au Brésil où il participe à une conférence sur l’environnement organisée par les Nations unies, a invité Mme Pillay à regarder dans sa propre cour avant de formuler un tel jugement.

«C’est ironique quand même qu’on critique une loi qui ne demande que huit heures d’avis avant une manifestation et l’itinéraire alors qu’à Genève, où se situent les bureaux des Nations unies, c’est 30 jours d’avis qu’on demande», a dit le premier ministre.

«On n’est pas aussi sévère que là où logent les Nations unies. On est plus souples et plus permissifs», s’est-il empressé d’ajouter.

La chef péquiste Pauline Marois a répété qu’elle estimait la loi 12 «ignoble», mais elle a reconnu qu’il était mal aisé de placer le Québec dans la liste des pays reconnus pour violer les droits de la personne.

«Si on se compare à d’autres États dans le monde, soyons aussi honnêtes. Je ne pense pas qu’on puisse se comparer à ce qui se passe au Tibet et à d’autres endroits», a-t-elle indiqué lors d’une conférence de presse à Montréal.

À Ottawa, le ministre Christian Paradis n’a pas caché son étonnement devant cette déclaration.

«Lorsqu’on voit l’ONU sortir avec une déclaration comme ça, c’est un peu préoccupant, a-t-il dit. C’est étrange aussi qu’on ne parle pas, par exemple, de ce qui sévit en Iran, au Bélarus, au Sri Lanka et qu’on arrive plutôt, ici, dans une démocratie dûment élue, qui passe une loi.»

Interrogé sur sa position face à la loi spéciale, le ministre a apporté la précision suivante: «Ce qu’on appuie, nous, c’est la primauté du droit. Lorsqu’une assemblée démocratiquement élue vote une loi, c’est ça qui doit primer. Si des citoyens croient que la loi n’est pas constitutionnelle, on croit en nos institutions juridiques: les gens peuvent contester cette loi.»

Son collègue aux Affaires étrangères, John Baird, s’est aussi montré extrêmement déçu.

«Selon moi, avec tous les problèmes dans le monde, les problèmes en Iran, les problèmes au Bélarus, que les Nations unies aient le temps de gaspiller leur crédibilité dans un dossier comme les droits de la personne au Québec et au Canada, c’est juste (que ça) me frustre», a-t-il laissé tomber.

«Si les gens autour du monde bénéficiaient des mêmes droits que ceux dont bénéficient les citoyens du Canada, et particulièrement du Québec, ce serait un monde meilleur», a-t-il ajouté.

La déclaration avait été condamnée avant même d’être prononcée par Mme Pillay. Le groupe UN Watch, qui en avait obtenu copie, avait qualifié cette référence d’absurde puisque la législation avait été adoptée par un gouvernement démocratiquement élu et que ses opposants avaient la possibilité de la contester devant les tribunaux.

Hillel Neuer, directeur UN Watch, un organisme de surveillance des Nations unies, a parlé d’un manque de discernement, notant que des manifestants sont massacrés en Syrie alors que la législation québécoise ne demande que de donner son itinéraire d’avance. Il a déploré cette référence au Canada alors que le rapport de Mme Pillay n’avait pas glissé mot sur le Bélarus, l’Arabie saoudite, l’Iran et la Chine.

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