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La fête péquiste prend une tournure funeste

MONTRÉAL – La victoire péquiste a pris une tournure funeste mardi soir qui aurait pu avoir des conséquences graves pour la vie de la première femme élue chef de gouvernement au Québec, Pauline Marois.

Son discours a été marqué par un incident qui a les apparences d’un attentat et qui a semé la stupeur et une soudaine pagaille parmi les 2000 militants venus l’entendre.

La chef péquiste avait déclaré qu’un nouvel épisode de l’histoire du Québec commence, mais elle ne pensait pas qu’il allait aussi s’amorcer avec un acte criminel, qui a pratiquement mis fin aux festivités de son parti.

Elle s’adressait à plus de 2000 militants surchauffés au Métropolis de Montréal, vers minuit, quand quelques agents de la Sûreté du Québec, ceux qui l’ont suivie durant toute sa campagne, ont surgi sur la scène pour l’amener brusquement avec eux.

Peu après, l’animateur de la soirée, Yves Desgagnés, a annoncé que l’explosion d’une balle assourdissante forçait l’interruption des festivités. Même Mme Marois est revenue pour demander aux gens de quitter dans le calme.

Puis elle est revenue pour dire que la situation était sous contrôle et a invité les gens à rester.

«C’est ce que doit faire une femme chef d’État», a-t-elle lancé, acclamée par ses partisans.

L’incident a néanmoins jeté un froid sur la liesse qui avait cours au Métropolis. Peu après elle a terminé son discours en remerciant sa famille et en saluant ses candidats, sans oublier ses militants.

«Je vous remercie d’être là», a-t-elle conclu.

Finalement, la police a confirmé que c’est un homme dans la cinquantaine qui a tiré sur deux hommes à l’arrière de l’établissement, faisant un mort. Après avoir ouvert le feu, le suspect a allumé un incendie derrière le Métropolis. Une forte odeur de fumée s’est répandue dans la salle. Même les pompiers parcouraient la salle, puis les policiers ont expulsé sans ménagement tout le monde, médias compris, vers 00h30.

Pauline Marois avait été accueillie triomphalement au Métropolis, en dépit de sa victoire serrée. Le PQ a été élu avec une mince majorité des voix, à peine 30 000, mais est minoritaire en Chambre, avec 54 candidats élus sur 125. Son parti met fin à neuf ans de règne libéral et il formera le prochain gouvernement, mais pour combien de temps?

Mme Marois est apparue autour de 23h30, peu après le discours de Jean Charest qui lui concédait la victoire. Elle semblait réjouie et encouragée par ses partisans.

«Un nouvel épisode de l’histoire du Québec commence (…). Je souhaite que ce soit l’occasion de retrouver notre fierté comme peuple.»

Elle a dit être «très émue» d’être la première femme à exercer les fonctions de premier ministre du Québec et a rendu hommage à sa mère.

«J’essaierai de nous faire honneur», a-t-elle lancé en s’adressant aux femmes.

Son discours a été prudent. Elle souhaitait se montrer rassembleuse, mais visait aussi à encourager les souverainistes. «Le cynisme a perdu, mais l’espoir a gagné. (…) Je souhaite que nous ayons la force de mettre nos divisions de côté et de nous rassembler autour de l’essentiel: notre fidélité commune au Québec.»

Elle accepte aussi les résultats du vote, elle est consciente que les Québécois ne lui ont pas donné carte blanche et assure qu’elle sera à l’écoute.

«Les Québécois ont fait leur choix, nous allons respecter ce choix en gouvernant avec tous les autres élus de l’Assemblée nationale du Québec. (…) Nous allons respecter le mandat que vous nous avez donné.»

Elle n’a pu s’empêcher de s’adresser à ses alliés, les étudiants qu’elle a soutenus dans la crise pour le meilleur et pour le pire, une crise qui a mené à ce scrutin. «Je serai la première ministre de tous les Québécois, y compris de la jeunesse québécoise», a-t-elle dit.

Elle a lancé un appel aux autres partis, dont elle aura besoin pour se maintenir, «persuadée» qu’elle est que les élus sauront trouver les compromis nécessaires à la bonne marche de l’État.

Sous les huées de ses partisans qui essayaient de l’interrompre, elle a rendu hommage à son prédécesseur libéral, Jean Charest, à qui elle avait parlé un peu plus tôt. «Nous devons mettre le passé derrière nous et saluer l’homme qui a exercé cette fonction si exigeante pendant neuf ans.»

Elle a aussi salué François Legault et a rappelé aux militants hargneux que tous les partis auront à travailler ensemble. Enfin, elle a félicité Françoise David, de Québec solidaire, qui a délogé un des parlementaires les plus redoutables du PQ, Nicolas Girard, dans Gouin.

Et bien sûr, elle a réitéré sa foi indépendantiste pour encourager ses militants, mais est restée assez laconique. «Je le dis avec conviction, l’avenir du Québec est de devenir un pays souverain.»

Elle s’est adressée aux «voisins canadiens» pour les inviter à accueillir les aspirations du Québec avec ouverture. Elle a réservé quelques mots à ses concitoyens anglophones. En anglais, elle leur a assuré que leurs droits seront pleinement protégés.

Mme Marois a fait la campagne de sa vie, un rêve qu’elle caressait depuis 30 ans: elle deviendra ainsi la première femme à diriger le Québec. Elle jouait son avenir, puisque son parti, qui l’a désignée comme chef en 2007, aurait de la difficulté à se relever d’une quatrième défaite d’affilée dans un scrutin général.

Elle renverse d’ailleurs la tendance à la baisse du vote péquiste amorcé depuis 1998. Après le plancher des élections de 2008, à 1,1 million, il remonte à près 1,4 million.

Mardi, elle mettait un terme une campagne prudente qui a été parfois difficile pour elle. Si elle a suscité de l’enthousiasme chez ses militants et même de l’engouement dans ses bains de foule, elle a connu des débats éprouvants qui l’ont minée.

Il s’agit du point culminant de son parcours politique amorcé en 1978, quand elle est devenue attachée de presse du ministre Jacques Parizeau, dans le premier mandat de René Lévesque. Elle a été élue pour la première fois en 1981. Elle a depuis cumulé les portefeuilles ministériels les plus importants: Finances, Conseil du Trésor, Éducation, Santé, pour ne nommer que ceux là.

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