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L’enfer de commerçants arnaqués sur Kijiji

Photo: Nafi Alibert

Une tabagie du secteur de Mercie-Hochelaga-Maisonneuve est au bord de la faillite après que ses propriétaires aient fait confiance à un courtier en prêt sur gage «peu scrupuleux» trouvé sur le site d’annonces Kijiji.

Ce dernier, qui promettait aux entrepreneurs de les aider à trouver du financement pour leur commerce auprès d’institutions bancaires, se serait éclipsé avec plusieurs milliers de dollars de leurs économies.

«Avec le recul, c’est vrai qu’on a été naïf, mais on n’aurait jamais agi ainsi si on nous avait ouvert d’autres portes», admet Johanne Trépanier, la copropriétaire de Cigares en folie.

Un rêve parti en fumée
À l’hiver 2014, JohanneTrépanier et son conjoint cassent leur tirelire et se lancent en affaires en investissant toutes leurs économies et un héritage familial pour ouvrir la tabagie Cigare en folie.

«C’est le travail de toute une vie, on s’est créé nos propres emplois sans l’aide de personne», partage Mme Trépanier qui passe aujourd’hui plus de temps à négocier des ententes avec ses créanciers qu’à gérer son commerce.

Après des débuts prometteurs, le couple d’entrepreneurs a besoin de fonds supplémentaires pour assurer la pérennité de son commerce. Mais, toutes ses demandes de financement auprès des banques et des institutions financières sont refusées les unes à la suite des autres.
Une situation fâchante, mais pas anormale.

«Il est très difficile pour les petits commerces de détail d’obtenir un prêt en passant dans le réseau bancaire traditionnel, car ils représentent un risque considérable pour les banques», admet Jean-François Lalonde, directeur général de PME Montréal Centre-Est.

De mal en pire
Pris à la gorge et n’étant plus en mesure de se verser de salaire, le couple d’entrepreneurs décide alors de faire appel à un courtier en prêt privé en répondant à une petite annonce sur Kijiji.

L’individu se présente comme un comptable spécialisé dans l’obtention de financement pour les entreprises qui se sont justement vues refuser des prêts.
«Il disait connaître des gens haut placés à la Banque de Développement du Canada qui pourrait nous prêter 70 000$ même si nos comptes étaient dans le rouge depuis des mois», raconte Mme Trépanier en montrant les documents avec lesquels le comptable les a appâtés, dont son numéro d’enregistrement au registre des entreprises et des exemples de cas dont il s’était occupé.

Mais, de la signature du contrat avec cet individu en février, à sa disparition dans la nature début avril, le couple de commerçants, estime avoir perdu près de 12 000$.

Un long mois au cours duquel, en suivant les conseils du comptable véreux, Johanne et son conjoint acceptent de rémunérer ses services (2500$), de prendre des arrangements désastreux avec leurs fournisseurs de services et de verser des sommes considérables à ce professionnel virtuel qui devait les reverser à leurs créanciers.

«Il nous a même personnellement prêté de l’argent pour patienter, mais ses chèques ont tous été refusés, faute de fonds», ajoute Mme Trépannier qui, pensant percevoir un pactole qui n’est jamais venu, a dépensé de l’argent qu’elle ne possédait pas.

Bien qu’ils aient porté plainte au Service de police de la ville de Montréal et envoyé plusieurs mises en demeure, Mme Trépanier et son conjoint savent qu’ils ont très peu de chance de revoir un jour la couleur de leur argent.

Aujourd’hui, poursuivis par certains de leurs créanciers, ces entrepreneurs risquent de mettre la clef sous la porte et de tout perdre faute de précaution.
Au Québec, tout prêteur d’argent doit posséder un permis préalable délivré par l’Office de protection des consommateurs (OPC).

Par contre, «il y a une zone grise entourant les entreprises qui se disent courtiers en prêt qui ne font pas l’objet d’un encadrement précis», reconnait Charles Tanguay, le porte-parole de l’OPC. En somme, n’importe qui peut s’improviser redresseur de crédits.

Campagne de sociofinancement
Déterminé à sauver leur «bébé», le couple a lancé une campagne de sociofinancement le 16 avril dernier dans l’espoir d’amasser 25 000$ pour relancer leurs activités.

« Nous n’avons même plus de cigares en inventaire, c’est un vrai cauchemar », termine Mme Trépanier en pointant, désespéré, les étals vides de sa tabagie.

Se considérant plus que jamais victimes de fraude, Johanne et son conjoint ont appris, mais un peu tard, que certains conseils financiers sont réellement trop beaux pour être vrais.

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