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Les associations de locataires dénoncent des évictions frauduleuses

Photo: Audrey Gauthier/TC Media

Le Regroupement des comités logements et associations de locataires du Québec (RCLALQ) a lancé, récemment, un appel aux élus provinciaux et municipaux, pour leur demander de protéger davantage les locataires de l’éviction.

Le RCLALQ pointe du doigt une disposition du Code civil qui permet à un propriétaire d’évincer un locataire au motif qu’il souhaiterait agrandir, subdiviser ou changer l’affectation du logement.

«Ce stratagème est devenu très prisé, car il permet aux propriétaires de vider les logements, sans dévoiler leurs intentions réelles, explique Maude Béguin-Gaudette, porte-parole du regroupement. Les locataires visés habitent généralement leur logement depuis longtemps et ne paient pas cher. Les propriétaires, eux, ont acheté depuis environ trois ans et veulent rentabiliser leur achat.»

Selon une étude effectuée par l’Institut national de la recherche scientifique (INRS), depuis 2003, un total de 517 unités ont été converties en copropriété dans le quartier Villeray, dont près de la moitié étaient des logements locatifs.

«Nous ne sommes pas aussi touchés que dans d’autres secteurs, mais ce n’est pas un phénomène marginal. C’est important», souligne Véronique Houle, coordonnatrice à l’Association des locataires de Villeray.

Selon les données comptabilisées par l’INRS, plus de 80 % des nouveaux propriétaires ont évincé leurs locataires pour des motifs divers, dont l’agrandissement et les reprises familiales.

«La reprise familiale est la raison la plus utilisée dans Villeray. Néanmoins, pendant notre étude, nous avons constaté que les bénéficiaires ne résidaient pas dans les logements. Selon nous, il est possible de douter des vraies raisons qui poussent les propriétaires à évincer les locataires», explique un employé de l’INRS, responsable de l’étude.

Départ forcé
Yvette Lambert réside dans Villeray depuis près de 54 ans. Le 30 juin prochain, elle devra quitter son logement, car son nouveau propriétaire veut y faire des travaux.

«Quelques jours après la vente, un huissier est venu cogner à ma porte pour m’aviser que le nouveau propriétaire voulait faire autre chose avec l’immeuble. Je suis évincée, car il veut faire de l’argent et louer mon logement plus cher», affirme Mme Lambert.

Lors de son arrivée sur la rue Saint-Denis, dans les années 1960, Mme Lambert payait 50 $ par mois pour un trois et demi. Aujourd’hui, son loyer est de 223 $ mensuellement.

L’octogénaire a tenté tous les recours possibles, mais en vain. Elle se cherche actuellement un nouveau logement dans le secteur.

Solliciter les pouvoirs publics
La porte-parole de Québec solidaire, Françoise David, a déposé un projet de loi, il y a plus d’un an, pour protéger les aînés des évictions. «C’est un premier pas, car nous voyons beaucoup de citoyens qui vivent des drames de ce genre, dans nos bureaux de circonscription. Il y a un certain nombre de propriétaires futés qui ont compris comment contourner le moratoire sur les condos et certains se font des profits de 30 % à 40 % sur un an», dénonce l’élue.

«On a qu’à se promener dans les rues des quartiers centraux pour voir trois affiches de logements à vendre du jour au lendemain», renchérit Carole Poirier, députée péquiste de Hochelaga-Maisonneuve.

Du côté de la Corporation des propriétaires immobiliers du Québec (CORPIQ), on dénonce la pratique. On estime cependant que le parc locatif commence à être asphyxié. «L’intérêt des propriétaires à louer n’est plus ce qu’il était, avance Hans Brouillette, directeur aux communications et affaires publiques de la CORPIQ. Si on continue à peser sur les épaules des propriétaires, la location va disparaître. On n’est pas dans le logement social. Il faut qu’il y ait un gain au bout du compte.»

Le RCLALQ appelle le gouvernement provincial, la Régie du logement et la Ville de Montréal, à travailler de concert pour protéger davantage les locataires des évictions et demander que des balises soient mises en place.

(En collaboration avec Stéphanie Maunay)

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