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11 Septembre: Brenda Berkman, une pompière d’exception

Photo: Collaboration spéciale

Ironie du sort: Brenda Berkman a failli ne jamais pouvoir servir son pays en tant que pompière le matin du 11 septembre 2001. Il a fallu qu’elle se batte et qu’elle vainque, des décennies avant la tragédie, la discrimination dont les femmes ont longtemps été l’objet au sein du FDNY. Voici l’histoire du combat de cette pionnière, qui permit aux femmes de porter l’écusson des New York’s Bravest pour la première fois depuis la fondation de la mégapole, en 1664.

Plus d’un demi-siècle après avoir obtenu le droit de vote, en 1920, les Américaines continuaient à trouver des portes closes au FDNY. Cantonnées aux travaux administratifs, elles n’avaient jamais pu revêtir l’uniforme. C’était avant 1977 et le refus de Brenda Berkman d’accepter qu’être une femme lui barrait la route de son rêve : devenir pompière, servir ses concitoyens, faire de New York un endroit plus sûr.

Plus de 500 candidates appliquent au FDNY en 1977, alors que les New York’s Bravest ouvrent leur rang pour la première fois de leur histoire aux femmes. Brenda Berkman, alors avocate, fut l’une d’elles. Marathonienne, forte d’une  maîtrise à l’Université St. Olaf, elle passe avec brio les examens d’admission, convaincue d’avoir sa chance.

Mais le FDNY modifie ses critères d’admission, élevant ses standards physiques à un niveau «jamais vu auparavant», selon l’aveu d’un responsable du département. Résultat : toutes les femmes échouent à l’examen d’entrée.

«C’est une réalité: il y a toujours de la résistance aux changements, et pas seulement en politique», se rappelle Mme Berkman. Certaine que la difficulté inédite des examens d’admission était une mesure discriminatoire mise en place pour écarter les femmes du service de pompiers de New York, elle intente, en son nom et celui de toutes les autres rejetées par les tests, une poursuite fédérale contre le FDNY… et gagne. Un nouvel examen est conçu, au bout duquel 41 femmes sont admises parmi les New York’s Bravest, en 1982. Les premières, 318 ans après la fondation de New York.

S’ensuivit un long calvaire pour Mme Berkman, alors que ses collègues la harcelèrent. «Combattre le feu a toujours été moins difficile que de faire face aux comportements désobligeants de certains de mes collègues, raconte celle qui a pris sa retraite il y a 10 ans au grade de capitaine – la troisième femme de l’histoire américaine à avoir atteint ce rang. J’ai reçu des menaces de mort, j’ai subi de l’intimidation. Mes bonbonnes d’oxygène étaient vidées avant que nous allions sur le terrain. J’ai été confrontée au harcèlement sexuel. Au point où j’ai douté que mes collègues allaient m’apporter le même secours qu’à un homme en situation de danger. Je n’aime pas me rappeler ces histoires.»

«Les hommes devraient aussi se libérer des carcans qu’on leur impose et qui les empêche de s’épanouir dans ce qu’ils sont.» – Brenda Berkman, qui a permis aux femmes de servir au sein du FDNY.

Du long entretien d’une heure que Mme Berkman a accordé à Métro, sa voix forte et assurée n’a vacillé qu’une fois : c’était en revisitant ce passé où la place qu’elle avait lutté pour prendre lui était niée, encore, par ceux qu’elle côtoyait tous les jours.

«Dans l’esprit de certains, les femmes ne seront jamais assez intelligentes, ou fortes, ou endurantes pour faire aussi bien que les hommes, même si ça fait plus de 30 ans aujourd’hui que nous prouvons que nous en sommes capables [au sein du FDNY]», déplore celle qui fut nommée White House Fellow par l’ancien président Bill Clinton, soit une des plus prestigieuses récompenses honorant le leadership et l’engagement public.

Au lendemain du 11/09, Mme Berkman a vu que le combat pour l’égalité des hommes et des femmes demeurait loin d’être gagné, alors que les médias passaient sous silence l’apport des pompières, des policières et des ambulancières dans les opérations à Ground Zero, reprenant même le mot firemen pour désigner les héros du FDNY, écartant du même coup les dizaines d’héroïnes qui y travaillaient aussi. «Les jeunes doivent savoir qu’il y avait des femmes qui participaient à ces efforts de reconstruction et qu’elles faisaient le même travail que les hommes, croit Mme Berkman. Certains m’ont accusée d’être polarisante. Je ne veux pourtant rien enlever aux hommes : je crois que les progrès que notre société a réussi à accomplir en ce qui a trait à la place qu’elle laisse aux femmes méritent d’être soulignés. Je me suis parfois demandé pourquoi nous allions faire la guerre en Afghanistan pour y libérer les femmes, alors que nous ne savions pas les célébrer ici-même, aux États-Unis.»

Et ces acquis obtenus de haute lutte au FDNY demeurent fragiles: aujourd’hui, seul 0.5% des Bravest sont des femmes, soit à peine plus de 50 sur 10000 membres en uniforme.

«Les filles ne devraient pas être rebutées par ce que j’ai subi. C’est la diversité qui fera changer les mentalités, et il est important que les femmes saisissent leur rêve en faisant fi des discours qui disent qu’elles sont  incapables parce qu’elles sont des filles. Si j’ai pu être un modèle pour elles, je suis contente : c’est peut-être là mon plus bel héritage.»

À la tête du FDNY

Le maire de New York, Bill de Blasio, a songé à nommer Brenda Berkman à la tête du FDNY en 2013. Elle serait ainsi devenue la première femme ouvertement homosexuelle à atteindre ce poste.

•    Elle aurait alors dirigé le deuxième plus grand département de pompiers du monde, après celui de Tokyo, au Japon. Le FDNY répond à plus d’un million d’appels par année et compte plus de 13 000 pompiers.

•    Dans les jours suivants le 11 septembre 2001, le FDNY a réussi l’exploit de maintenir ses standards d’efficacité. Une augmentation de seulement une minute a été observée dans son temps de réponse.

•    C’est finalement Daniel Nigro qui est à la tête du FDNY, depuis 2013.

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