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Journée mondiale du réfugié: fuite, rupture et nouvelle vie

Photo: Oli Scarff/Getty

Mercredi, le Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés soulignera la Journée mondiale du réfugié. Musique et hot-dogs attendront le public au Square Cabot, à Montréal, pour souligner l’événement. Mais le thème de la Journée est dramatique la douloureuse rupture avec laquelle composent nombre de réfugiés, comme Abdoul.

Le 25 janvier 2012, Abdoul (nom fictif) obtient le statut officiel de réfugié. C’est le dénouement de 30 mois de procédures, un baume apaisant après un cauchemar qui a débuté par son arrestation, la nuit du 9 au10 mai 2009.

Le Niger traverse alors une période trouble, alors que le président de la République, Mamadou Tandja, entend apporter une modification à la constitution qui lui permettrait de briguer un troisième mandat. «Il y a eu un soulèvement. Certaines personnes ont été ciblées, dont moi», explique Abdoul. Alors professeur d’histoire et de géographie au lycée, le Nigérien est aussi syndicaliste, pour son plus grand malheur.

Dans la nuit du 9 au 10 mai, des policiers en civil se présentent chez lui et procèdent à son arrestation, devant ses deux enfants. «J’ai voulu résister. Mais je me suis dit qu’ils me brutaliseraient peut-être. Je ne voulais pas que mes enfants assistent à ça.» Abdoul décrit avec sobriété le drame qui s’est alors enclenché. «On m’a emmené, j’ai été torturé et je me suis retrouvé à l’hôpital. Et là, au risque de leur vie, des gens m’ont permis de fuir.»

Il se réfugie d’abord en Algérie, puis au Maroc, pour finalement cogner à la porte du Canada, le 26 juin 2009. En amorçant le processus de demande du statut de réfugié ici, il officialisait une douloureuse rupture avec sa vie au Niger, sa mère, sa sœur et ses frères restés là-bas. «J’avais l’impression d’être entré dans un gouffre sans fin. J’ai dû quitter mes enfants, j’ai perdu ma famille. J’étais divorcé et j’étais sur le point de me remarier. Tout est tombé à l’eau.»

Ce n’est que récemment qu’Abdoul a repris graduellement contact avec les siens. «Au début, c’était par personnes interposées. Si vous êtes recherché et que vous impliquez des proches, il peut y avoir des problèmes», explique-t-il. Le danger était réel: la mère et les frères d’Abdoul ont été menacés. «Mais Dieu merci, personne n’a été torturé.»

Sa décision de partir était la bonne, estime le réfugié. Le paysage politique a pourtant changé, au Niger. Le 18 février 2010, un coup d’État militaire déloge Mamadou Tandja. Le 7 avril 2011, des élections démocratiques portent Mahamadou Issoufou au pouvoir, à titre de nouveau président de la République. «C’est une démocratie de façade, estime Abdoul. Quelle que soit la personne au pouvoir, c’est la mauvaise gouvernance, la dictature. Si vous êtes ciblé comme quelqu’un qui dérange, vous êtes ciblé pour toute votre vie.»

Le professeur syndicaliste n’en était d’ailleurs pas à sa première arrestation, en 2009. Il a été écroué en 2004, puis en 2008. «Si cette fois, j’ai été sauvé, j’ai eu de la chance. La prochaine fois, je ne serai peut-être pas sauvé.» À la difficile séparation familiale s’est ajoutée, au Canada, la recherche ardue d’un travail. L’ex-professeur a dû accepter des boulots physiques. Le travail de manutention et les opérations répétitives en manufacture lui ont causé des maux de dos. Mais la bonne nouvelle du statut de réfugié lui a permis de décrocher un travail moins exigeant physiquement. Et un projet de réorientation professionnel prend maintenant forme. «J’ai décidé de me refaire une nouvelle vie. Ç’a été une décision difficile, mais je n’avais pas d’autre choix.»

La Journée internationale du réfugié sera célébrée au Square Cabot, mercredi, de 11 h 30 à 14 h 30, angle Sainte-Catherine et Atwater, métro Atwater.

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