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Présidentielle américaine: un mois pour séduire

La spécialiste de la politique américaine Élisabeth Vallet fait le point sur les élections américaines, à moins de 30 jours du scrutin.

À un mois de la présidentielle américaine, la lutte entre le président sortant, Barack Obama, et son rival républicain, Mitt Romney, est extrêmement serrée. Métro a demandé à Élisabeth Vallet, chercheuse à l’Observatoire sur les États-Unis de la Chaire Raoul-Dandurand et auteure du livre Comprendre les élections américaines, paru le mois dernier, de faire le point sur la campagne. L’enjeu? Le poste le plus prestigieux sur Terre.

À environ 30 jours de la présidentielle américaine, plusieurs Américains ont déjà voté ou ont arrêté leur choix. Les dés sont-ils déjà jetés?
Non. Un mois en politique, c’est un siècle. Il ne faut pas oublier, par exemple, la «surprise d’octobre», une théorie développée par Gary Sick à propos de l’opération lancée par l’ancien président Jimmy Carter à Téhéran pour libérer des otages américains, qui a été un fiasco : tempête de sable, écrasement d’hélicoptère, morts… Ronald Reagan, candidat républicain, a eu beau jeu durant la campagne de 1980 de rappeler l’échec de Carter dans ce dossier. Depuis, on sait qu’une crise, un événement important dans le monde ou une phrase qui tue peuvent changer le cours des choses.

Durant la campagne, les commentateurs ont souvent mentionné que deux visions diamétralement opposées de l’Amérique sont proposés aux électeurs. Obama et Romney sont-ils si différents?
Si on parle des personnes, elles jouent pas mal au centre toutes les deux et sont assez proches naturellement. C’est d’ailleurs pourquoi Mitt Romney a fait appel à Paul Ryan : pour se positionner à droite. Dans leur façon de diriger aussi, les deux candidats ne sont pas très différents. Ils ont tous deux la volonté de faire attention, de ne pas adopter de positions trop radicales, de sacrifier parfois leurs principes. Il faut aussi savoir que le président a un pouvoir limité, puisqu’il fait face au Congrès, à la Cour suprême, au département d’État… Ces freins amènent les présidents à gouverner plutôt au centre.

Jusqu’à maintenant, quel a été selon vous le tournant de la campagne?
La déclaration du 47 % [selon Mitt Romney, c’est le pourcentage de la population américaine qui vivrait aux dépens de l’État], reprise par le site Mother Jones et ainsi connue du grand public, a été marquante. La «guerre contre les femmes» a aussi beaucoup servi aux démocrates pour attaquer les républicains, et c’est un thème qui a spinné sur les médias sociaux. Les femmes sont au cœur des discours des présidents, car elles sont majoritaires dans les urnes.

Si Barack Obama est réélu, à quoi pourrait ressembler son deuxième mandat?
L’objectif plus ou moins avoué d’un deuxième mandat, c’est de marquer l’histoire. «Est-ce que les manuels d’histoire vont retenir ma présidence?» Une fois passées les élections de mi-mandat au Congrès, Obama aura le champ libre pendant deux ans pour mettre en œuvre ses idées. Si on pense à Bill Clinton, pendant son premier mandat, il apprenait à être président. On se souvient de lui grâce aux réalisations de son second mandat. Le président a un grand pouvoir de persuasion, de leadership, bien plus que des pouvoirs nominaux ou institutionnels, et c’est au cours d’un deuxième mandat que ces pouvoirs s’exercent davantage.

Le candidat républicain a gaffé à quelques reprises, notamment en adoptant régulièrement des positions ambiguës ou contradictoires. Ces sorties pourraient-elles lui coûter l’élection?
On a pas mal fait le tour du «flip flopper», de la girouette, du Mitt Romney qui va dans le sens du vent, par contraste avec son père, extrêmement tranché. Les publicités négatives diffusées par les médias traditionnels lui ont certainement nui. Ce côté adaptable, caméléon, allait plutôt bien à Bill Clinton puisque ça lui donnait un côté humain, chaleureux, mais ça passe beaucoup moins bien avec Romney, qui donne toujours l’impression d’une certaine distance.

Vous avez couvert plusieurs élections présidentielles au cours de votre carrière. Qu’est-ce que celle-ci a de particulier? N’est-elle pas un peu ennuyeuse?
La performance de Mitt Romney au premier débat rend la lutte plus serrée. Mais c’est vrai que les élections de fin de mandat sont toujours moins intéressantes, puisqu’on connaît bien au moins un des deux candidats. Et dans ce cas-ci, on connaît aussi Romney assez bien en raison de sa course à l’investiture. Ça risque d’être plus intéressant en 2016, car l’échiquier politique pourrait alors être complètement redessiné.

Sur la question de la politique étrangère, Obama semble être davantage expérimenté. Est-ce seulement une impression?
Sur ce thème, Romney a été déculotté avec l’assassinat d’Oussama ben Laden. Les républicains ne peuvent plus jouer là-dessus. C’était une opération extrêmement risquée, qui en cas d’échec aurait pu mettre le Pakistan en colère, mais elle a finalement été très payante. Les développements dans le conflit israélo-palestinien et la menace d’une attaque en Iran pourraient toutefois réserver des surprises.

À quel point un président peut-il peser sur la géopolitique mondiale?
Le président est à la tête d’une superpuissance qui représente 47 % des dépenses militaires mondiales. Les États-Unis sont le seul pays qui ait une réelle capacité d’intervention, qui ait la capacité d’amener les forces alliées là où elles ne pourraient pas aller seules. Alors oui, le président a un réel pouvoir sur la géopolitique mondiale.

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