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La grande désillusion électorale de l’Algérie

Photo: Getty

Le peuple algérien se rend aux urnes ce jeudi, vraisemblablement pour porter un fantôme au pouvoir. Métro a analysé l’élection présidentielle avec Miloud Chennoufi, ancien journaliste algérien aujourd’hui professeur de politique au Collège des Forces canadiennes.

Le président en voie d’être réélu pour un quatrième mandat consécutif, Abdelaziz Bouteflika, n’a pas fait d’apparition publique depuis qu’un accident vasculaire cérébral l’a foudroyé en 2013. Comment expliquer qu’un candidat inapte à exercer ses fonctions s’apprête à être élu par le peuple?
Il est clair que des fraudes massives seront commises au cours du scrutin, et que les partis d’opposition n’ont pas proposé de projets sérieux à la population, sinon celui de mettre Bouteflika dehors.

La situation actuelle symbolise l’impasse dans laquelle s’est engouffré le système politique algérien. Une oligarchie gravite autour du pouvoir et profite de la manne pétrolière du pays. C’est elle qui verrouille tout le système: pour ne pas perdre leurs privilèges, ils maintiennent Bouteflika en place.

Certains observateurs estiment que 80% des électeurs pourraient bouder l’élection. Dans ces conditions, quelle légitimité aura celui ou celle qui gagnera l’élection?
La crédibilité du pouvoir algérien repose moins sur la volonté du peuple que sur la reconnaissance des chancelleries occidentales, qui sont prêtes à accorder leur soutien à cette élection de façade si cela leur permet de préserver leurs intérêts.

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Du point de vue américain, l’Algérie de Bouteflika demeure un havre relativement à l’abri du terrorisme qui gangrène la région, tandis que pour l’Europe, le pays fournit une source stable d’énergie.

Il faut préciser que, si l’Occident légitime en effet le pouvoir en place, il compose avec ce qu’il y a déjà sur place. L’Algérie sans Bouteflika demeure une grande inconnue, et l’inconnu est source d’une instabilité dont ne veulent pas les puissances étrangères occidentales.

Malgré son système politique sclérosé, l’Algérie n’a pas été secouée par la vague révolutionnaire qui a emporté bon nombre de dictatures arabes. Pourquoi?
Tous les peuples ont une mémoire, et celle du peuple algérien est particulièrement marquée par les 200 000 morts de la guerre civile des années 1990. Si les révolutions arabes avaient eu des dénouements positifs, peut-être que l’Algérie aurait emboîté le pas. Mais ce n’a été le cas que dans la petite Tunisie. Un véritable désastre se déroule en Syrie, et des forces étrangères sont intervenues en Libye pour chasser le régime de Kadhafi du pouvoir. Or, si on se fie au passé du pays, les Algériens ont horreur des interventions extérieures.

Ce système dans lequel la démocratie est factice et où le peuple ne jouit d’aucun pouvoir politique pourra-t-il durer encore longtemps, selon vous?
Tant qu’il y aura une rente pétrolière, le système pourra durer. Même si tout le monde est en colère contre la candidature de Bouteflika, ce dernier jouit encore du soutien des services de renseignement du pays, qui constituent, avec l’armée, les piliers du système actuellement en place.

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