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Tanger: un boom, deux vitesses

Photo: mbctimes.com

«La porte de l’Afrique», «la perle du nord»: bien des surnoms lui siéent, mais aucun ne donne l’idée de la croissance qu’elle a connue en l’espace d’une décennie. Maintenant second pôle industriel du Maroc, Tanger étend ses zones d’influence sur le monde dans un essor dont tous, pour l’heure, ne profitent pas à part égale.

«C’est fou ce qui se passe là-bas! Chaque fois que je m’y rends, c’est un autre pays, un autre monde!» s’exclame Dani Thifa, journaliste pour le journal numérique mbctimes.com, qui traverse le détroit de Gibraltar depuis le sud de l’Espagne tous les deux mois pour retrouver sa ville natale.

Le gouvernement marocain a ces dernières années multiplié les investissements et les mégaprojets dans la péninsule de Tanger. En 2007, le nouveau port Tanger Med entrait en activité, relançant les exportations maritimes et désengorgeant le vieux port de Tanger-Ville.

Vantée comme le levier du foisonnement actuel, la nouvelle zone portuaire, qui connaîtra d’ici 2015 un Tanger Med 2, a attiré une foule d’entreprises étrangères dans les zones franches et industrielles qui l’entourent. Si bien que la région qui englobe l’agglomération urbaine de Tanger, Tanger-Tétouan, attire à elle seule trois fois plus de nouveaux investissements industriels annuellement que l’ensemble du pays.

Ce qui frappe le Tangérois à chacun de ses séjours, c’est la hausse vertigineuse du coût de la vie, alors que les revenus ne suivent pas. «Le salaire minimum à Tanger est d’environ 3000 dirhams par mois (environ 410$), explique-t-il. Franchement, tu ne peux rien faire avec ça dans une ville comme celle-là!» s’inquiète ce journaliste qui a suivi l’évolution de la région de près, surtout lorsqu’il travaillait pour le Tangier Times, une publication locale. À titre de référence, il indique que les prix des maisons sont devenus presque aussi élevés à Tanger qu’à Marbella, en Andalousie.

L’implantation de nouvelles entreprises étrangères, principalement dans les secteurs de l’automobile, de l’aéronautique et de l’ingénierie informatique, a pourtant créé de l’emploi et fait chuter de moitié le taux de chômage, qui est passé de 19,9% à 9% entre 1994 et 2006 dans la préfecture de Tanger-Assilah. La zone franche d’exportation Tanger Free Zone indique sur son site web avoir contribué dans ses 10 premières années d’existence à la création de 47 000 emplois directs.

«Franchement, le port de Tanger Med n’a pas changé grand-chose pour la population locale», lance pour sa part Dani Thifa, catégorique. S’il admet que le travail ne manque pas en ville, il déplore que les Tangérois n’aient pas accès aux nouveaux postes qui leur permettraient de toucher un meilleur salaire. «Tous ces postes aujourd’hui sont occupés par des Marocains [venus de l’extérieur de la péninsule], comme ceux de Casablanca et de Rabat», poursuit-il.

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L’Agence pour la promotion et le développement économique et social des provinces et préfectures du Nord (APDN), un organisme gouvernemental indépendant financièrement, reconnaît qu’une forte pression s’exerce sur la ville de Tanger, surtout avec l’immigration issue de l’exode rural. «Cet exode a donné naissance à des quartiers périphériques souvent informels et insalubres (manque de branchement, problèmes d’épuration des eaux et de gestion des déchets) qui ont été résorbés autant que faire se peut par le programme des branchements sociaux de notre agence», explique-t-on dans un courriel à Métro.

L’APDN agit comme un pont entre les acteurs locaux, régionaux et nationaux pour stimuler des programmes de compétitivité territoriale et offrir un meilleur cadre de vie aux populations. «Après une mise à niveau urbaine (notamment sur le plan des infrastructures), sollicitée par les villes elles-mêmes, une concentration des efforts vers le rural est maintenant nécessaire afin d’éviter un gros déséquilibre», a précisé l’agence. Depuis 2010, elle concentre ses actions sur le désenclavement des communautés rurales, où la précarité et le chômage sont endémiques, précisant que «les régions du nord sont constituées majoritairement de provinces rurales».

Dani Thifa reconnaît que des initiatives sont déployées pour faire participer les populations locales au développement national. Il estime toutefois qu’à Tanger, si le rythme de croissance reste aussi soutenu, les effets pour la population locale devraient se faire sentir plus vite. Pendant qu’une quantité importante de richesses transite à Tanger, le Tangérois moyen, lui, a de moins en moins les moyens de s’offrir sa ville.

Lisez le texte de mercredi: Avancées incertaines pour les femmes à Tanger.

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