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Le Guantánamo du tout-inclus

Petite commotion la semaine dernière, où une dame apparemment coincée dans un tout-inclus cubain affirmait, devant les caméras, s’être sentie «comme à Guantánamo». Un débat s’ensuivit afin de déterminer si, oui ou non, le journaliste, baveux, ne lui avait pas soufflé la comparaison. Comme pratiquement tous ceux qui sont moyennement au fait de la géopolitique, ma première réaction a été, sans surprise, un mélange de dérision et de désespoir. Les yeux au ciel, genre.

Une fois le processus de condescendance terminé, c’est-à-dire quatre secondes plus tard, un autre truc est venu me heurter: la vague d’indignation suivant le propos de Madame X. Plusieurs centaines de milliers de vues, des milliers de commentaires hargneux et ultra-acerbes envers la rescapée de Toutinclusland. Empathie comme source de mon malaise envers cette opération de pur bullying? Sûrement un peu, par faute de mes origines. Mes grands-parents maternels, au fond des Hautes-Laurentides, bénéficiaient respectivement d’une deuxième et d’une cinquième année. Du monde intelligent, aux valeurs humaines bien senties. Mais peu, ou pas, d’éducation. Alors, chaque fois que je vois un quidam du genre se faire crucifier sur la place publique pour un commentaire mal avisé, je me sens mal.

Mais telle n’est pas la source réelle de mon malaise. Celui-ci est plus profond. Combien de bullies, déjà, contre Madame X? Des tonnes et des tonnes. Question, maintenant: qui, au-delà des injures et des quolibets balancés, s’est réellement intéressé à Guantánamo? Qui, parmi tous les smattes autoproclamés, a fait l’effort de suivre l’affaire Khadr et de s’en indigner?

Parce que si la comparaison entre un tout-inclus et Guantánamo est manifestement loufoque, c’est bien parce que les ressorts de ce dernier violent tout ce qui existe en matière de droits civils, d’État de droit et de justice naturelle, n’est-ce pas? Alors, question: comment expliquer ce silence, lourd de sens, pendant l’affaire Khadr? Où étaient les dénigreurs de Madame X alors que le jeune Canadien de 15 ans s’y voyait torturé, parfois avec le concours d’Ottawa? Où se trouvaient ceux-ci lors des manifestations visant à rapatrier l’enfant-soldat, conformément aux conventions internationales? Qui trouvait absurde que Harper n’ait daigné demander à Obama ledit rapatriement, alors que la quasi-totalité des autres ressortissants avait été, avec la permission de Washington, retournée dans son pays d’origine? Qui a gueulé lorsque des agents du Service canadien des renseignements secrets se sont rendus à Cuba afin d’interroger Khadr, sous la torture? Qui a sauté un câble lorsque le ministre Cannon a prétendu se garder le droit de ne pas respecter une décision de la Cour suprême du Canada imposant le rapatriement en question? Qui s’est objecté au fait que Khadr ait été emprisonné un bon huit ans sans avoir droit à un quelconque procès? Combien, enfin, se sont déclarés en faveur des 10,5 M$ lui étant versés par Ottawa?

Appelons ça de l’indignation sélective. Plus facile de taper sur le clou de l’inculture géopolitique de Madame X que de hurler son indignation à Stephen Harper et à ses sbires. Dommage. Ç’aurait été plus utile.

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